LUNE : nom féminin est issu (1080) du latin luna qui appartient à un important groupe de mots issus de la racine indoeuropéenne °leuk "être lumineux, éclairer". Luna provient d'un °leuk-s-na, féminin substantivé d'un ancien adjectif en -no, féminin -na, signifiant proprement "la lumineuse", épithète qui, comme le grec selênê, s'applique à une puissance active. Il a remplacé l'ancien nom masculin de la lune (auquel s'attachait un tabou, la lune ayant pour les Anciens une action dangereuse) que l'on retrouve dans mois, menstrues.
La lune était divinisée chez les Romains : un temple lui était consacré sur l'Aventin (il fut brûlé par Néron) et un jour de la semaine lui était voué (lundi). Plus tard, elle a été confondue avec Diane, elle-même absorbée par l'Artémis grecque. Luna désignait donc à la fois l'astre, la divinité, le mois lunairen, et comptait quelques sens analogiques.[/i] [...]
source : Dictionnaire historique de la langue française
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C’est en corrélation avec celui du Soleil que se manifeste le symbolisme de la Lune. Ses deux caractères les plus fondamentaux dérivent, d’une part, de ce que la lune est privée de lumière propre et n’est qu’un reflet du soleil ; d’autre part, de ce qu’elle traverse des phases différentes et change de forme. C’est pourquoi elle symbolise la dépendance et le principe féminin, sauf exception bien sûr, ainsi que la périodicité et le renouvellement. A ce double titre, elle est symbole de transformation et de croissance.
La Lune est un symbole des rythmes biologiques : « Astre qui croît, décroît et disparaît, dont la vie est soumise à la loi universelle du devenir, de la naissance et de la mort…. La lune connaît une histoire pathétique, de même que celle de l’homme… mais sa mort n’est jamais définitive… Cet éternel retour à ses formes initiales, cette périodicité sans fin font que la lune est par excellence l’astre des rythmes de la vie… Elle contrôle tous les plans cosmiques régis par la loi du devenir cyclique : eaux, pluie, végétation, fertilité… »
La Lune symbolise aussi le temps qui passe, le temps vivant, dont elle est la mesure, par ses phases successives et régulières. La Lune est aussi le premier mort. Pendant trois nuits, chaque mois lunaire, elle est comme morte, elle a disparu…. Puis elle reparaît et grandit en éclat. De même, les morts sont censés acquérir une nouvelle modalité d’existence. La lune est pour l’homme le symbole de ce passage de la vie à la mort et de la mort à la vie ; elle est même considérée, chez de nombreux peuples, comme le lieu de ce passage, à l’instar des lieux souterrains. C’est pourquoi de nombreuses divinités lunaires sont en même temps chthoniennes et funéraires : Mên, Perséphone et probablement Hermès lui-même. Le voyage dans la lune ou même le séjour immortel dans la lune, après la mort terrestre, sont réservés, selon certaines croyances, à des privilégiés : souverains, héros, initiés, magiciens.
La Lune est un symbole de la connaissance indirecte, discursive, progressive, froide. La lune, astre des nuits, évoque métaphoriquement la beauté, et aussi la lumière dans l’immensité ténébreuse. Mais cette lumière n’étant que le reflet du soleil, la lune est seulement le symbole de la connaissance par reflet, c’est-à-dire de la connaissance théorique, conceptuelle, rationnelle ; ce en quoi on lui rattache le symbolisme de la chouette. C’est aussi pourquoi la lune est yin par rapport au soleil yang : elle est passive, réceptive. Elle est l’eau par rapport au feu solaire, le froid par rapport à la chaleur, le nord et l’hiver symboliques opposés au sud et à l’été.
Poésie sélénique
Jean-Pierre Bertrand et Gérald Purnelle (ULg)
La lune a constitué et constitue toujours un motif largement éculé de la poésie. Du romantisme au symbolisme, le 19e siècle a mis à mal sa symbolique en l'épuisant de toutes les façons, tantôt graves et sérieuses, tantôt (et de plus en plus) dérisoires et ludiques. Apres les symbolistes, la lune n’aura plus guère de place dans le répertoire poétique. Il y a certes la « lune mellifluente aux lèvres des déments » d’Apollinaire mais, comme le pronostiquait Maupassant, le thème est éculé, ravalé à un romantisme de bas de gamme. Ce n’est certainement pas un hasard si l’un des premiers grands recueils surréalistes s’intitulera Clair de terre, signé André Breton en 1923.
Pierrot chatouille Colombine à mort par Adolphe Willette, peintre et caricaturiste
français, dans Le Pierrot, 7 décembre 1888.
LA LUNE DANS LA POESIE ROMANTIQUE
POESIE ROMANTIQUE ALLEMANDE
Goethe a écrit beaucoup de beaux vers sur la lune.
Nuit de lune
De tes clartés tu remplis
Vallon, bois et plaine,
Et mon âme, au sein des nuits,
Redevient sereine.
Astre pur, dans mon tourment,
Ta flamme adoucie,
Me semble un regard aimant
Penché sur ma vie.
A la pleine lune qui se levait
Veux-tu sitôt m’abandonner ?
Tu étais si près tout à l'heure !
Des masses de nuages t'obscurcissent,
Et maintenant te voilà disparue.
Tu sens toutefois quelle est ma tristesse,
Ton bord surgit comme une étoile !
Tu m'attestes que je suis aimé,
Si loin de moi que soient mes amours.
Poursuis donc ta course ! Epands ta clarté
Au ciel pur, dans tout son éclat !
Bien que mon cœur souffrant batte plus vite,
Bienheureuse est cette nuit !
Nuit de printemps
François-René de Chateaubriand
Le ciel est pur, la lune est sans nuage :
Déjà la nuit au calice des fleurs
Verse la perle et l’ambre de ses pleurs ;
Aucun zéphyr n’agite le feuillage.
Sous un berceau, tranquillement assis,
Où le lilas flotte et pend sur ma tête,
Je sens couler mes pensers rafraîchis
Dans les parfums que la nature apprête.
Des bois dont l’ombre, en ces prés blanchissants,
Avec lenteur se dessine et repose,
Deux rossignols, jaloux de leurs accents,
Vont tour à tour réveiller le printemps
Qui sommeillait sous ces touffes de rose.
Mélodieux, solitaire Ségrais,
Jusqu’à mon cœur vous portez votre paix !
Des prés aussi traversant le silence,
J’entends au loin, vers ce riant séjour,
La voix du chien qui gronde et veille autour
De l’humble toit qu’habite l’innocence.
Mais quoi ! déjà, belle nuit, je te perds !
Parmi les cieux à l’aurore entrouverts,
Phébé n’a plus que des clartés mourantes,
Et le zéphyr, en rasant le verger,
De l’orient, avec un bruit léger,
Se vient poser sur ces tiges tremblantes.
François-René de Chateaubriand, Tableaux de la nature
Clair de lune de Victor HUGO
Per amica silentia lunae (Virgile)
La lune était sereine et jouait sur les flots.
La fenêtre enfin libre est ouverte à la brise,
La sultane regarde, et la mer qui se brise,
Là-bas, d’un flot d’argent brode les noirs îlots.
De ses doigts en vibrant s’échappe la guitare.
Elle écoute... Un bruit sourd frappe les sourds échos.
Est-ce un lourd vaisseau turc qui vient des eaux de Cos,
Battant l’archipel grec de sa rame tartare ?
Sont-ce des cormorans qui plongent tour à tour,
Et coupent l’eau, qui roule en perles sur leur aile ?
Est-ce un djinn qui là-haut siffle d’une voix grêle,
Et jette dans la mer les créneaux de la tour ?
Qui trouble ainsi les flots près du sérail des femmes ? —
Ni le noir cormoran, sur la vague bercé,
Ni les pierres du mur, ni le bruit cadencé
Du lourd vaisseau, rampant sur l’onde avec des rames.
Ce sont des sacs pesants, d’où partent des sanglots.
On verrait, en sondant la mer qui les promène,
Se mouvoir dans leurs flancs comme une forme humaine... —
La lune était sereine et jouait sur les flots.
Hugo, Victor, « Clair de lune », Les Rayons et les Ombres, Paris, Gallimard, 1970 [1840].
Caspar David Friedrich, Lever de lune sur la mer, 1822, huile sur toile, 55 × 71 cm.
© bpk / foto : nationalgalerie der Staatlichen Museen zu Berlin - Preußischer Kulturbesitz
Ballade à la Lune
(Alfred de MUSSET)
C'était, dans la nuit brune,
Sur le clocher jauni,
La lune
Comme un point sur un i.
Lune, quel esprit sombre
Promène au bout d'un fil,
Dans l'ombre,
Ta face et ton profil ?
Es-tu l'œil du ciel borgne ?
Quel chérubin cafard
Nous lorgne
Sous ton masque blafard ?
N'es-tu rien qu'une boule,
Qu'un grand faucheux bien gras
Qui roule
Sans pattes et sans bras ?
Es-tu, je t'en soupçonne,
Le vieux cadran de fer
Qui sonne
L'heure aux damnés d'enfer ?
Sur ton front qui voyage,
Ce soir ont-ils compté
Quel âge
A leur éternité ?
Est-ce un ver qui te ronge
Quand ton disque noirci
S'allonge
En croissant rétréci ?
Qui t'avait éborgnée,
L'autre nuit ? T'étais-tu
Cognée
A quelque arbre pointu ?
Car tu vins, pâle et morne,
Coller sur mes carreaux
Ta corne
A travers les barreaux.
Va, lune moribonde,
Le beau corps de Phébé
La blonde
Dans la mer est tombé.
Tu n'en es que la face
Et déjà, tout ridé,
S'efface
Ton front dépossédé…
Lune, en notre mémoire,
De tes belles amours
L'histoire
T'embellira toujours
Et toujours rajeunie,
Tu seras du passant
Bénie,
Pleine lune ou croissant.
T'aimera le pilote,
Dans son grand bâtiment
Qui flotte
Sous le clair firmament.
Et la fillette preste
Qui passe le buisson,
Pied leste,
En chantant sa chanson…
Et qu'il vente ou qu'il neige,
Moi-même, chaque soir,
Que fais-je
Venant ici m'asseoir ?
Je viens voir à la brune,
Sur le clocher jauni,
La lune
Comme un point sur un i.
Alfred de Musset
POESIE PARNASSIENNE
La Lune
(Théodore de BANVILLE)
Avec ses caprices, la Lune
Est comme une frivole amante ;
Elle sourit et se lamente,
Et vous fuit et vous importune.
La nuit, suivez-la sur la dune,
Elle vous raille et vous tourmente ;
Avec ses caprices, la Lune
Est comme une frivole amante.
Et souvent elle se met une
Nuée en manière de mante ;
Elle est absurde, elle est charmante ;
Il faut adorer sans rancune,
Avec ses caprices, la Lune.
Théodore de Banville
La lune
Le soleil dit à la lune :
" Que fais-tu sur l'horizon ?
Il est bien tard, à la brune,
Pour sortir de sa maison.
L'honnête femme, à cette heure,
Défile son chapelet,
Couche son enfant qui pleure,
Et met la barre au volet.
Le follet court sur la dune ;
Gitanas, chauves-souris,
Rôdent en cherchant fortune ;
Noirs ou blancs, tous chats sont gris.
Des planètes équivoques
Et des astres libertins,
Croyant que tu les provoques,
Suivront tes pas clandestins.
La nuit, dehors on s'enrhume.
Vas-tu prendre encor ce soir
Le brouillard pour lit de plume
Et l'eau du lac pour miroir ?
Réponds-moi. - J'ai cent retraites
Sur la terre et dans les cieux,
Monsieur mon frère ; et vous êtes
Un astre bien curieux !
Clair de lune sentimental
de Théophile GAUTIER
À travers la folle risée
Que Saint-Marc renvoie au Lido,
Une gamme monte en fusée,
Comme au clair de lune un jet d’eau…
À l’air qui jase d’un ton bouffe
Et secoue au vent ses grelots,
Un regret, ramier qu’on étouffe,
Par instants mêle ses sanglots.
Au loin, dans la brume sonore,
Comme un rêve presque effacé,
J’ai revu, pâle et triste encore,
Mon vieil amour de l’an passé.
Mon âme en pleurs s’est souvenue
De l’avril où, guettant au bois
La violette à sa venue,
Sous l’herbe nous mêlions nos doigts…
Cette note de chanterelle,
Vibrant comme l’harmonica,
C’est la voix enfantine et grêle,
Flèche d’argent qui me piqua.
Le son en est si faux, si tendre,
Si moqueur, si doux, si cruel,
Si froid, si brûlant, qu’à l’entendre
On ressent un plaisir mortel,
Et que mon cœur, comme la voûte
Dont l’eau pleure dans un bassin,
Laisse tomber goutte par goutte
Ses larmes rouges dans mon sein.
Jovial et mélancolique,
Ah ! vieux thème du carnaval,
Où le rire aux larmes réplique,
Que ton charme m’a fait de mal !
Théophile Gautier , Emaux et Camées -
Variations sur le Carnaval de Venise
Effet de lune
Sous la nue où le vent qui roule
Mugit comme un troupeau de boeufs,
Dans l'ombre la mer dresse en foule
Les cimes de ses flots bourbeux.
Tous les démons de l'Atlantique,
Cheveux épars et bras tordus,
Dansent un sabbat fantastique
Autour des marins éperdus.
Souffleurs, cachalots et baleines,
Mâchant l'écume, ivres de bruit,
Mêlent leurs bonds et leurs haleines
Aux convulsions de la nuit.
Assiégé d'écumes livides,
Le navire, sous ce fardeau,
S'enfonce aux solitudes vides,
Creusant du front les masses d'eau.
Il se cabre, tremble, s'incline,
S'enlève de l'Océan noir,
Et du sommet d'une colline
Tournoie au fond d'un entonnoir.
Et nul astre au ciel lourd ne flotte ;
Toujours un fracas rauque et dur
D'un souffle égal hurle et sanglote
Au travers de l'espace obscur.
Du côté vague où l'on gouverne,
Brusquement, voici qu'au regard
S'entr'ouvre une étroite caverne
Où palpite un reflet blafard.
Bientôt, du faîte de ce porche
Qui se hausse en s'élargissant,
On voit pendre, lugubre torche,
Une moitié de lune en sang.
Le vent furieux la travaille,
Et l'éparpille quelquefois
En rouges flammèches de paille
Contre les géantes parois ;
Mais, dans cet antre, à pleines voiles,
Le navire, hors de l'enfer,
S'élance au-devant des étoiles,
Couvert des baves de la mer.
LECONTE DE LISLE : Les clairs de lune - III
La mer est grise, calme, immense,
L'oeil vainement en fait le tour.
Rien ne finit, rien ne commence
Ce n'est ni la nuit, ni le jour.
Point de lame à frange d'écume,
Point d'étoiles au fond de l'air.
Rien ne s'éteint, rien ne s'allume
L'espace n'est ni noir, ni clair.
Albatros, pétrels aux cris rudes,
Marsouins, souffleurs, tout a fui.
Sur les tranquilles solitudes
Plane un vague et profond ennui.
Nulle rumeur, pas une haleine.
La lourde coque au lent roulis
Hors de l'eau terne montre à peine
Le cuivre de ses flancs polis ;
Et, le long des cages à poules,
Les hommes de quart, sans rien voir,
Regardent, en songeant, les houles
Monter, descendre et se mouvoir.
Mais, vers l'Est, une lueur blanche,
Comme une cendre au vol léger
Qui par nappes fines s'épanche,
De l'horizon semble émerger.
Elle nage, pleut, se disperse,
S'épanouit de toute part,
Tourbillonne, retombe, et verse
Son diaphane et doux brouillard.
Un feu pâle luit et déferle,
La mer frémit, s'ouvre un moment,
Et, dans le ciel couleur de perle,
La lune monte lentement.
José Maria de HEREDIA :
"La lune sur le Nil..."
(Les Trophées, 1893)
La lune sur le Nil, splendide et ronde, luit.
Et voici que s’émeut la nécropole antique
Où chaque roi, gardant la pose hiératique,
Gît sous la bandelette et le funèbre enduit.
Tel qu’aux jours de Rhamsès, innombrable et sans bruit,
Tout un peuple formant le cortège mystique,
Multitude qu’absorbe un calme granitique,
S’ordonne et se déploie et marche dans la nuit.
Se détachant des murs brodés d’hiéroglyphes,
Ils suivent la Bari que portent les pontifes
D’Ammon-Ra, le grand Dieu conducteur du soleil ;
Et les sphinx, les béliers ceints du disque vermeil,
Éblouis, d’un seul coup se dressant sur leurs griffes,
S’éveillent en sursaut de l’éternel sommeil.
LA POESIE SYMBOLISTE
La lune blanche…
(Paul Verlaine)
La lune blanche
Luit dans les bois ;
De chaque branche
Part une voix
Sous la ramée…
Ô bien-aimée.
L’étang reflète,
Profond miroir,
La silhouette
Du saule noir
Où le vent pleure…
Rêvons, c’est l’heure.
Un vaste et tendre
Apaisement
Semble descendre
Du firmament
Que l’astre irise…
C’est l’heure exquise.
Paul Verlaine, La Bonne Chanson
Clair de lune
de Paul VERLAINE
Votre âme est un paysage choisi
Que vont charmant masques et bergamasques
Jouant du luth et dansant et quasi
Tristes sous leurs déguisements fantasques.
Tout en chantant sur le mode mineur
L'amour vainqueur et la vie opportune
Ils n'ont pas l'air de croire à leur bonheur
Et leur chanson se mêle au clair de lune,
Au calme clair de lune triste et beau,
Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres
Et sangloter d'extase les jets d'eau,
Les grands jets d'eau sveltes parmi les marbres.
Paul Verlaine, Fêtes galantes (1869)
Impression fausse
(P. VERLAINE)
Dame souris trotte,
Noire dans le gris du soir,
Dame souris trotte
Grise dans le noir.
On sonne la cloche,
Dormez, les bons prisonniers !
On sonne la cloche :
Faut que vous dormiez.
Pas de mauvais rêve,
Ne pensez qu'à vos amours
Pas de mauvais rêve :
Les belles toujours !
Le grand clair de lune !
On ronfle ferme à côté.
Le grand clair de lune
En réalité !
Un nuage passe,
Il fait noir comme en un four.
Un nuage passe.
Tiens, le petit jour !
Dame souris trotte,
Rose dans les rayons bleus.
Dame souris trotte :
Debout, paresseux !
Paul Verlaine
Selene and Endymion par POUSSIN, Nicolas
Par la lune d'été vaguement éclairée, ...
(Arthur RIMBAUD)
Par la lune d'été vaguement éclairée,
Debout, nue, et rêvant dans sa pâleur dorée
Que tache le flot lourd de ses longs cheveux bleus,
Dans la clairière sombre où la mousse s'étoile,
La Dryade regarde au ciel silencieux...
- La blanche Séléné laisse flotter son voile,
Craintive, sur les pieds du bel Endymion,
Et lui jette un baiser dans un pâle rayon...
- La Source pleure au loin dans une longue extase...
C'est la Nymphe qui rêve, un coude sur son vase,
Au beau jeune homme blanc que son onde a pressé.
- Une brise d'amour dans la nuit a passé,
Et, dans les bois sacrés, dans l'horreur des grands arbres,
Majestueusement debout, les sombres Marbres,
Les Dieux, au front desquels le Bouvreuil fait son nid,
- Les Dieux écoutent l'Homme et le Monde infini !
Victor Florence Pollet, 'Endymion and Selene', 1850-60. Museum no. 748-1902 Copyright Victoria and Albert Museum
Diana and Endymion by Walter Crane (1883)
Diane et Endymion (1753-55) Fragonard © National Gallery Washington
SELENE AND ENDYMION by Giovanni Antonio Pellegrini, (1675-1741) at Hinton Ampner
Jules Laforgue :
L'Imitation de Notre Dame la lune
Je ne suis qu' un viveur lunaire
Qui fait des ronds dans les bassins,
Et cela sans autre dessein
Que devenir légendaire
Retroussant d' un air de défi
Mes manches de mandarin pale,
J' arrondis ma bouche et - j' exhale
Des conseils doux de Crucifix.
Ah oui, devenir légendaire,
Au seuil des siècles charlatans !
Mais où sont les lunes d' antan ?
Et que Dieu n'est-il à refaire.
Jules Laforgue : L' Imitation de Notre Dame la lune
Beaucoup d' autres poèmes consacrés à la lune par Jules Laforgue, notamment dans les Complaintes.
Tristesses de la lune
(Charles BAUDELAIRE)
Ce soir, la lune rêve avec plus de paresse ;
Ainsi qu'une beauté, sur de nombreux coussins,
Qui d'une main distraite et légère caresse
Avant de s'endormir le contour de ses seins,
Sur le dos satiné des molles avalanches,
Mourante, elle se livre aux longues pâmoisons,
Et promène ses yeux sur les visions blanches
Qui montent dans l'azur comme des floraisons.
Quand parfois sur ce globe, en sa langueur oisive,
Elle laisse filer une larme furtive,
Un poète pieux, ennemi du sommeil,
Dans le creux de sa main prend cette larme pâle,
Aux reflets irisés comme un fragment d'opale,
Et la met dans son cœur loin des yeux du soleil.
POEME EN PROSE : Les bienfaits de la lune
de Charles BAUDELAIRE
La Lune, qui est le caprice même, regarda par la fenêtre pendant que tu dormais dans ton berceau, et se dit : « Cette enfant me plaît. »
Et elle descendit moelleusement son escalier de nuages et passa sans bruit à travers les vitres. Puis elle s’étendit sur toi avec la tendresse souple d’une mère, et elle déposa ses couleurs sur ta face. Tes prunelles en sont restées vertes, et tes joues extraordinairement pâles. C’est en contemplant cette visiteuse que tes yeux se sont si bizarrement agrandis ; et elle t’a si tendrement serrée à la gorge que tu en as gardé pour toujours l’envie de pleurer.
Cependant, dans l’expansion de sa joie, la Lune remplissait toute la chambre comme une atmosphère phosphorique, comme un poison lumineux ; et toute cette lumière vivante pensait et disait : « Tu subiras éternellement l’influence de mon baiser. Tu seras belle à ma manière. Tu aimeras ce que j’aime et ce qui m’aime : l’eau, les nuages, le silence et la nuit ; la mer immense et verte ; l’eau uniforme et multiforme ; le lieu où tu ne seras pas ; l’amant que tu ne connaîtras pas ; les fleurs monstrueuses ; les parfums qui font délirer ; les chats qui se pâment sur les pianos et qui gémissent comme les femmes, d’une voix rauque et douce !
« Et tu seras aimée de mes amants, courtisée par mes courtisans. Tu seras la reine des hommes aux yeux verts dont j’ai serré aussi la gorge dans mes caresses nocturnes ; de ceux-là qui aiment la mer, la mer immense, tumultueuse et verte, l’eau informe et multiforme, le lieu où ils ne sont pas, la femme qu’ils ne connaissent pas, les fleurs sinistres qui ressemblent aux encensoirs d’une religion inconnue, les parfums qui troublent la volonté, et les animaux sauvages et voluptueux qui sont les emblèmes de leur folie. »
Et c’est pour cela, maudite chère enfant gâtée, que je suis maintenant couché à tes pieds, cherchant dans toute ta personne le reflet de la redoutable Divinité, de la fatidique marraine, de la nourrice empoisonneuse de tous les lunatiques.
POESIE DU 2Oème SIECLE
Guillaume APOLLINAIRE :
Clair de Lune
Lune mellifluente aux lèvres des déments
Les Vergers et les bourgs cette nuit sont gourmands
les astres assez bien figurent les abeilles
De ce miel lumineux qui dégoute les treilles
Car voici que tout doux et leur tombant du ciel
Chaque rayon de lune est un rayon de miel
Or caché je conçois la très douce aventure
J’ai peur du dard de feu de cette abeille arcture
Qui posa dans mes mains des rayons décevants
Et pris son miel lunaire à la rose des vents
Par Guillaume Apollinaire. Tiré du recueil Alcools
Clair de Lune
(Blaise CENDRARS)
On tangue on tangue sur le bateau
La lune la lune fait des cercles dans l’eau
Dans le ciel c’est le mât qui fait des cercles
Et désigne toutes les étoiles du doigt
Une jeune Argentine accoudée au bastingage
Rêve à Paris en contemplant les phares qui dessinent
la côte de France
Rêve à Paris qu’elle ne connaît qu’à peine et qu’elle
regrette déjà
Ces feux tournants fixes doubles colorés à éclipses lui
rappellent ceux qu’elle voyait de sa fenêtre d’hôtel sur
les Boulevards et lui promettent un prompt retour
Elle rêve de revenir bientôt en France et d’habiter Paris
Le bruit de ma machine à écrire l’empêche de mener son
rêve jusqu’au bout.
Ma belle machine à écrire qui sonne au bout de chaque
ligne et qui est aussi rapide qu’un jazz
Ma belle machine à écrire qui m’empêche de rêver à
bâbord comme à tribord
Et qui me fait suivre jusqu’au bout une idée
Mon idée
Blaise Cendrars
UN POETE ESPAGNOL : Federico GARCIA LORCA,
Romance de la lune
À Conchita Garcia Lorca
La lune vint à la forge
avec ses volants de nards.
L’enfant, les yeux grands ouverts,
la regarde la regarde.
Dans la brise qui s’émeut
la lune bouge les bras,
dévoilant, lascive et pure,
ses seins blancs de dur métal.
Va-t-en lune, lune, lune.
Si les gitans arrivaient,
ils feraient avec ton cœur
bagues blanches et colliers.
Enfant, laisse-moi danser.
Quand viendront les cavaliers,
ils te verront sur l’enclume
étendu, les yeux fermés.
Va-t-en lune, lune, lune,
Je les entends chevaucher.
Enfant, laisse-moi, tu froisses
ma blancheur amidonnée.
Battant le tambour des plaines
approchait le cavalier.
Dans la forge silencieuse
gît l’enfant, les yeux fermés.
Par l’olivette venaient,
bronze et rêve, les gitans,
chevauchant la tête haute
et le regard somnolent.
Comme chante sur son arbre,
comme chante la chouette !
Dans le ciel marche la lune
tenant l’enfant par la main.
Autour de l’enclume pleurent
les gitans désespérés.
La brise qui veille, veille,
la brise fait la veillée.
Federico Garcia Lorca
(Romancero Gitano, 1928 - traduction d'André Belamich)
Anna Akhmatova a également écrit sur la lune :
La lune se lève
Elle est d'agate et de perle,
Elle est de verre fumé,
Etrangement horizontale
Et si solennelle, on dirait
Que la sonate "clair de lune"
A soudain croisé notre chemin
(Extrait de Lune au zénith, in Requiem, Poèmes sans héros et autres poèmes/ NRF Poésie/Gallimard)
Terre-lune de Boris VIAN
Terre - lune, terre - lune
Ce soir j'ai mis mes ailes d'or
Dans le ciel comme un météore
Je pars.
Terre - lune, terre - lune
J'ai quitté ma vieille atmosphère
J'ai laissé les morts et les guerres
Au revoir.
Dans le ciel piqué de planètes
Tout seul sur une lune vide
Je rirai du monde stupide
Et des hommes qui font les bêtes.
Terre - lune, terre - lune
Adieu ma ville adieu mon cœur
Globe tout perclus de douleurs
Bonsoir.
Boris Vian
René MAGRITTE, le Retour, 1940
Les phases de la lune, 1939, Paul Delvaux, (New York, The Museum of Modern Art)
Suite (Paul ELUARD)
Dormir la lune dans un oeil et le soleil dans l'autre
Un amour dans la bouche un bel oiseau dans les cheveux
Parée comme les champs les bois les routes et la mer
Belle et parée comme le tour du monde
Puis à travers le paysage
Parmi les branches de fumée et tous les fruits du vent
Jambes de pierre aux bas de sable
Prise à la taille à tous les muscles de rivière
Et le dernier souci sur un visage transformé.
ENTRE LA LUNE ET LE SOLEIL
Je te le dis gracieuse et lumineuse
Ta nudité lèche mes yeux d'enfant
Et c'est l'extase des chasseurs heureux
D'avoir fait croître un gibier transparent
Qui se détend en un vase sans eau
Comme une graine à l'ombre d'un caillou
Je te vois nue arabesque nouée
Aiguille molle à chaque tour d'horloge
Soleil étale au long d'une journée
Rayons tressés nattes de mes plaisirs.
Derniers poèmes d'amour
La lune de Raymond QUENEAU
Sur la lune de lait caillé
On voit un bonhomme.
Il porte sur son dos
Un fagot de gros bois.
Ça doit être bien lourd
Car il n'avance pas.
Il est là chaque mois,
Bûcheron d'autrefois.
Sur la lune de néon
On voit un astronaute
Il porte sur son dos
La fusée du retour.
Il est déjà parti
Il n'y a plus personne
Entre la mer des Crises
Et la Sérénité.
Sur la lune de néon,
On a peint les yeux, la bouche,
Le nez et un gros bouton
Sur lequel dort une mouche.
Toujours on a eu l'impression
Que cet objet astronomique
Etait à portée de la main
Familier, mélancolique.
Raymond QUENEAU : Nocturne - Poéme
Quand j'ai dansé jusqu'à minuit la cornemuse a mis ses bottes quand j'ai payé pour un ouisqui le revolver a mis sa cape quand j'ai réclamé un taksi le réverbère a mis son col quand j'ai traversé tout
Pari» la lune a mis sa veste blanche et quand je fus près de
Neuilly je mis mes jambes à mon cou
La Lune au cinéma : Le voyage dans la Lune, Georges Mélies, 1902.
HAIKUS
Tout le monde dort
Rien entre
La lune et moi.
Seifujo
Lune claire
Si je renais je voudrais etre
Un pin sur un pic
Ryota
Fut-ce en mille éclats
elle est toujours là
la lune dans l' eau
Ueda Chosha
Le Livre du Haiku
http://www.europe1.fr/societe/la-lune-tout-un-symbole-42450
La lune, tout un symbole
L'astre lunaire est omniprésent dans les mythologies et les croyances populaires. Souvent associé à une divinité féminine, il symbolise les cycles des saisons, des âges... Petit tour d'horizon des croyances.
Dans la mythologie grecque, la Lune a d'abord été appelée Séléné. Bouleversée par la mort de son frère, Hélios (le soleil), noyé dans l'Eridan, elle le suivit dans la mort. Touchés, les dieux la changèrent en astre et la placèrent au ciel. On la représentait comme une femme jeune et belle qui parcourait le ciel sur un char d'argent traîné à deux chevaux. Elle est célèbre par ses amours avec Zeus à qui elle donna deux filles, mais surtout pour sa grande passion pour le berger Endymion dont elle aurait eu cinquante filles. Ce jeune berger, d'une grande beauté, se vit accorder par Zeus la réalisation d'un voeu. Il choisit l'immortalité et fut plongé dans un sommeil éternel. Depuis, chaque nuit, la Lune caresse le corps immobile de l'amant endormi et soupire de désespoir. Plus tard, Hélios a été logiquement associé à Apollon et donc la Lune à sa soeur jumelle, Artemis.
Pour les Aztèques, la Lune renvoyait à l'amour charnel. Mais c'est à elle aussi que les mourants confessaient leurs fautes.
Généralement, la Lune est assimilée à un symbole féminin représentant le temps, le cycle. Elle contrôle aussi les marées, les pluies, les eaux et les saisons, nos humeurs, la pousse de nos cheveux ou des moissons, selon les croyances populaires.
La Lune est aussi la frontière entre le soleil et l'obscurité et est donc associée à ce qui sépare la conscience et l'inconscience. Elle est également liée à l'idée de romantisme, qu'on pense à la lune de miel, au clair de lune propice aux déclarations amoureuses... Ou aux vampires! Plus effrayants encore, la pleine Lune est celle qui déclenche la transformation du loup-garou. Elle est d'ailleurs indissociable de tout bon film d'horreur pour mettre un peu d'ambiance...
Dans le tarot de Marseille, la Lune est la dix-huitième carte. Elle relève du domaine de l'intuition et renvoie aussi à la maternité. Si vous tirez la carte à l'endroit, c'est plutôt positif, synonyme de passion, d'absence de tabou dans la sexualité, de maternité, de changements... A l'envers, c'est apparemment moins drôle : disputes de couple, dépression, cauchemars, séparation...
Enfin, on retrouve aussi beaucoup la Lune dans les drapeaux, les étendards, les blasons... Elle est pleine par exemple sur les drapeaux du Laos ou de la Mongolie. On la trouve sous forme de croissant quand elle évoque l'empire ottoman. De nombreux pays musulmans l'ont repris comme la Turquie, la Tunisie, l’Algérie ou encore le Pakistan.