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vivelalecture

billets d'humeur, notes de lecture, réactions de spectatrice...

LE REALISME EN PEINTURE JUGE PAR DES ECRIVAINS

EXEMPLE DE COURBET CRITIQUE PAR LES FRERES GONCOURT 

Un ouvrage nous éclaire sur les rapports entre les romanciers et les artistes : "Regards d'écrivains au musée d'Orsay"

(publié en 1992 par la Réunion des Musées nationaux)

            Il paraît judicieux de se pencher sur l'approche d'auteurs qui revendiquaient eux-mêmes le réalisme dans le champ littéraire... Voici une page éloquente rédigée par Robert KOPP (professeur à l'université de Bâle) à propos des réactions des Goncourt :

 

           Romanciers réalistes, les Goncourt n'apprécient guère la peinture dite réaliste et en particulier celle de Courbet. Dès le Salon de 1852, ils se livrent à une violente attaque conre le maître d'Ornans : "Nous sommes de grands partisans du réalisme cherché exclusivement dans le laid. Notre réalisme à nous s'appelle Le pouilleux de Murillo. Proudhon avait dit : la propriété, c'est le vol ! M. Courbet a dit : le beau, c'est le laid !" En 1855, Courbet expose une quarantaine de ses tableaux, dont Un Enterrement à Ornans et L'Atelier (que le jury de l'Exposition universelle avait refusé), sous le titre : "Le Réalisme". Les Goncourt visitent le pavillon de l'avenue Montaigne en compagnie de leur ami Gavarni dont ils rapportent avec délectation le jugement méprisant dans leur Journal (août 1855) : "Courbet ? Il n'y a rien, rien ! [...] C'est du barbouillage de paravent ; ça tient du torche-cul et du papier de teinture !" Le même dégoût les saisit devant les toiles que Courbet expose en 1867, de nouveau en marge de l'Exposition universelle : "Rien, rien et rien dans cette exposition de Courbet. A peine deux ciels de mer. Hors de là, chose piquante chez ce maître du réalisme, rien de l'étude de la nature. Le corps de sa Femme au perroquet est aussi loin, dans son genre, du vrai du nu que n'importe quelle académie du 18ème siècle. Le laid, toujours le laid ! Et le laid sans son grand caractère, le laid sans la beauté du laid !" (Journal, 18 septembre 1867).

              L'exposition de 1867 n'a pas suscité les mêmes polémiques que celle de 1855, loin de là. Les Goncourt datent donc un peu, en répétant les reproches que la plupart des critiques, Champfleury excepté, avaient adressés à Courbet dans les années 1850. Ce sont d'ailleurs les mêmes reproches qui avaient été adressés aux romans des Goncourt. Ce qui dégoûte le plus les deux frères, ce sont les femmes de Courbet, en particulier les baudelairiennes femmes damnées du Sommeil : "Ici, dans les tribades, deux corps terreux, sales, breneux, noués dans le mouvement le plus disgracieux et le plus calomniateur de la volupté de la femme au lit ; rien de la couleur, de la lumière, de la vie de sa peau, rien de la grâce amoureuse de ses membres, une ordure bête." (Journal, 31 décembre 1867). Et d'opposer à cette prétendue laideur la grâce des corps de femmes de Boucher, de Fragonard ou de Watteau !

La Femme au perroquet (COURBET)

La Femme au perroquet (COURBET)

Le Sommeil (COURBET)

Le Sommeil (COURBET)

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