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billets d'humeur, notes de lecture, réactions de spectatrice...

AUTOUR DU CHIEN : poètes, romanciers, philosophes...

AUTOUR DU CHIEN : poètes, romanciers, philosophes...
AUTOUR DU CHIEN : poètes, romanciers, philosophes...
AUTOUR DU CHIEN : poètes, romanciers, philosophes...

  Le chien traditionnellement présenté comme le meilleur ami de l'homme jouit d'un statut particulier en littérature en raison de la place qu'il occupe aussi dans la société. Que représente-t-il au fond ? Est-il la simple incarnation de la fidélité ? de la soumission à l'homme ? de l'endurance ? Si l'on se fie aux convictions des auteurs, la race canine reflète souvent des vertus que l'homme est incapable d'incarner pleinement :

« IL POSSÈDE LA BEAUTÉ SANS LA VANITÉ, LA FORCE SANS L’INSOLENCE, LE COURAGE SANS LA FÉROCITÉ ET TOUTES LES VERTUS DE L’HOMME SANS SES VICES. » (Lord BYRON)

 Il apparaît souvent comme le moyen de questionner le comportement humain, de s'interroger sur la société.

Lisons les fables qui le mettent en scène, les récits autobiographiques ou de fiction qui lui accordent une attention particulière, à l'instar de Dialogue de bêtes de Colette. Tantôt on le voit aux côtés de son maître, tantôt on observe son évolution au contact d'autres animaux, comme le chat, le loup... Sa dimension allégorique apparaît évidente et offre plusieurs interprétations. Lisons quelques textes qui lui sont dédiés.

 

FABLES D’ESOPE :

 

LE LOUP ET LE CHIEN

   Un loup voyant un très gros chien attaché par un collier lui demanda : « Qui t’a lié et nourri de la sorte ? »

- Un chasseur, répondit le chien.

- Ah ! Dieu garde de cela le loup qui m’est cher ! Autant la faim qu’un collier pesant ! »

   Cette fable montre que dans le malheur on n’a même pas les plaisirs du ventre.

 

DE DEUX CHIENS

    Un Chien était tellement accoutumé à mordre tous ceux qu'il rencontrait, que son Maître crut être obligé de lui attacher au col une sonnette, afin que tout le monde s'en donnât de garde. Le Chien, tout fier de ce nouvel ornement, s'imagina que c'était une récompense de son courage et de sa vertu, et se mit à regarder tous les autres Chiens avec mépris. Il y en avait un parmi eux, que son âge et ses services rendaient respectable. " Mon ami, lui dit-il, tu ne prends pas garde que cette sonnette est plutôt une marque de la méchanceté de tes mœurs, que la récompense de ta vertu. "

 

Du Chien qui ne vint pas en aide à l'Âne contre le Loup parce que l'Âne ne lui avait pas donné de pain

   Un Dogue assez fort pour vaincre non seulement des Loups mais encore des Ours avait fait une longue route avec un Âne qui portait un sac plein de pain. Chemin faisant, l'appétit vint. L'Âne, trouvant un pré, remplit abondamment son ventre d'herbes verdoyantes. Le Chien de son côté priait l'Âne de lui donner un peu de pain pour ne pas mourir de faim. Mais l'autre, bien loin de lui donner du pain, le tournait en dérision et lui conseillait de brouter l'herbe avec lui. Là-dessus, l'Âne voyant un Loup approcher, demanda au Chien de venir à son aide. Il répondit : " Tu m'as conseillé de paître pour apaiser ma faim, moi à mon tour je te conseille de te défendre contre le Loup avec les fers de tes sabots. " En disant ces mots, il partit, abandonnant en plein combat son ingrat compagnon condamné à servir bientôt de pâture à son ravisseur.

  Cette fable montre que celui qui ne fournit pas son aide à ceux qui la réclament est d'habitude abandonné à son tour en cas de nécessité.

 

Du Père de famille reprochant à son Chien
d'avoir laissé prendre ses Poules

  Un Père de famille ayant oublié de fermer l'abri dans lequel ses Poules passaient la nuit, au lever du jour trouva que le Renard les avait toutes tuées et emportées. Indigné contre son Chien comme s'il avait mal gardé son bien, il l'accablait de coups. Le Chien lui dit : " Si toi, à qui tes Poules donnaient des œufs  et des poussins, tu as été négligent à fermer ta porte, quoi d'étonnant à ce que moi, qui n'en tire aucun profit, enseveli dans un profond sommeil, je n'aie pas entendu venir le Renard ".

   Cette fable veut dire qu'il ne faut attendre des Serviteurs de la maison aucune diligence, si le Maître lui-même est négligent.

 

DE L'ANE ET DU PETIT CHIEN

      Un homme qui avait un chien de Malte et un âne jouait constamment avec le chien. Allait-il dîner dehors, il lui rapportait quelque friandise, et, quand le chien s’approchait la queue frétillante, il la lui jetait. Jaloux, l’âne accourut vers le maître, et se mettant à gambader, il l’atteignit d’un coup de pied. Le maître en colère le fit reconduire à coups de bâton et attacher au râtelier.

      Cette fable montre que tous ne sont pas faits pour les mêmes choses. (trad. E. Chambry)

 

LE CHIEN ENDORMI ET LE LOUP

Un chien dormait devant une ferme. Un loup fondit sur lui, et il allait faire de lui son repas, quand le chien le pria de ne pas l’immoler tout de suite : « À présent, dit-il, je suis mince et maigre ; mais attends quelque temps : mes maîtres vont célébrer des noces ; moi aussi j’y prendrai de bonnes lippées, j’engraisserai et je serai pour toi un manger plus agréable. » Le loup le crut et s’en alla. À quelque temps de là il revint, et trouva le chien endormi dans une pièce haute de la maison ; il s’arrêta en bas et l’appela, lui rappelant leurs conventions. Alors le chien : « Ô loup, dit-il, si à partir d’aujourd’hui tu me vois dormir devant la ferme, n’attends plus de noces »

Cette fable montre que les hommes sensés, quand ils se sont tirés d’un danger, s’en gardent toute leur vie.

 

LES CHIENS RÉCONCILIÉS AVEC LES LOUPS

Les loups dirent aux chiens : « Pourquoi, étant de tout point pareils à nous, ne vous entendez-vous pas avec nous, comme des frères ? Car nous ne différons en rien, sauf de pensée. Nous, nous vivons dans la liberté ; vous, soumis et asservis aux hommes, vous endurez d’eux les coups, vous portez des colliers et vous gardez les troupeaux ; et quand vos maîtres mangent, ils ne vous jettent que les os. Mais croyez-nous ; livrez-nous tous les troupeaux et nous les mettrons en commun pour nous en rassasier. » Les chiens prêtèrent l’oreille à ces propositions ; et les loups, pénétrant à l’intérieur de l’étable, égorgèrent d’abord les chiens.

Tel est le salaire que reçoivent ceux qui trahissent leur patrie.

 

 

LE CHIEN QUI POURSUIT UN LION
ET LE RENARD

Un chien de chasse, ayant aperçu un lion, s’était mis à sa poursuite. Mais le lion se retourna et se mit à rugir. Alors le chien eut peur et rebroussa chemin. Un renard le vit et lui dit : « Pauvre sire, tu poursuivais le lion, et tu n’as même pas pu supporter son rugissement. »

On pourrait conter cette fable à propos des présomptueux qui se mêlent de dénigrer des gens plus puissants qu’eux, et qui se rejettent brusquement en arrière, quand ceux-ci leur font tête.

 

 

LES CHIENS AFFAMÉS

Des chiens affamés virent des peaux qui trempaient dans une rivière. Ne pouvant les atteindre, ils convinrent entre eux de boire toute l’eau, pour arriver ensuite aux peaux. Mais il advint qu’à force de boire ils crevèrent avant d’atteindre les peaux.

Ainsi certains hommes se soumettent, dans l’espérance d’un profit, à des travaux dangereux, et se perdent avant d’atteindre l’objet de leurs désirs.

 

 

LE CHIEN DE COMBAT ET LES CHIENS

Un chien, nourri dans une maison, était dressé à combattre les bêtes fauves. Un jour qu’il en vit beaucoup rangées en ligne, il brisa le collier de son cou et s’enfuit par les rues. D’autres chiens l’ayant vu, puissant comme un taureau, lui dirent : « Pourquoi te sauves-tu ? — Je sais bien, répondit-il, que je vis dans l’abondance et que j’ai toutes les satisfactions de l’estomac, mais je suis toujours près de la mort, en combattant les ours et les lions. » Alors les chiens se dirent entre eux : « Nous avons une belle vie, quoique pauvre, nous qui ne combattons ni les lions, ni les ours. »

Il ne faut pas, pour la bonne chère et la vaine gloire, attirer sur soi le danger, mais l’éviter au contraire.

 

 

LE CHIEN INVITÉ ou L’HOMME ET LE CHIEN

Un homme préparait un dîner pour traiter un de ses amis et familiers. Son chien invita un autre chien. « Ami, lui dit-il, viens céans dîner avec moi. » L’invité arriva plein de joie, et s’arrêta à regarder le grand dîner, murmurant dans son cœur : « Oh ! quelle aubaine inattendue pour moi ! Je vais bâfrer et m’en donner tout mon soûl, de manière à n’avoir pas faim de tout demain. » Tandis qu’il parlait ainsi à part lui, tout en remuant la queue, comme un ami qui a confiance en son ami, le cuisinier le voyant tourner la queue de-ci, de-là, le prit par les pattes et le lança soudain par la fenêtre. Et le chien s’en retourna en poussant de grands cris. Il trouva sur sa route d’autres chiens ; l’un d’eux lui demanda : « Comment as-tu dîné, l’ami ? » Il lui répondit : « À force de boire je me suis enivré outre mesure, et je ne sais même pas par où je suis sorti. »

Cette fable montre qu’il ne faut pas se fier à ceux qui font les généreux avec le bien d’autrui.

 

 

LE CHIEN ENDORMI ET LE LOUP

Un chien dormait devant une ferme. Un loup fondit sur lui, et il allait faire de lui son repas, quand le chien le pria de ne pas l’immoler tout de suite : « À présent, dit-il, je suis mince et maigre ; mais attends quelque temps : mes maîtres vont célébrer des noces ; moi aussi j’y prendrai de bonnes lippées, j’engraisserai et je serai pour toi un manger plus agréable. » Le loup le crut et s’en alla. À quelque temps de là il revint, et trouva le chien endormi dans une pièce haute de la maison ; il s’arrêta en bas et l’appela, lui rappelant leurs conventions. Alors le chien : « Ô loup, dit-il, si à partir d’aujourd’hui tu me vois dormir devant la ferme, n’attends plus de noces »

Cette fable montre que les hommes sensés, quand ils se sont tirés d’un danger, s’en gardent toute leur vie.

 

 

 

DU CHIEN ET DE SON IMAGE

  Un Chien traversant une rivière sur une planche, tenait dans sa gueule un morceau de chair, que la lumière du Soleil fit paraître plus gros dans l’eau, comme c’est l’ordinaire. Son avidité le poussa à vouloir prendre ce qu’il voyait, et il lâcha ce qu’il portait, pour courir après cette ombre. C’est ainsi que sa gourmandise fut trompée, et il apprit à ses dépens qu’il vaut mieux conserver ce que l’on possède, que de courir après ce qu’on n’a pas.

 

 l

LA FONTAINE :
Le Chien lâchant sa proie pour l’ombre

Chacun se trompe ici-bas :
On voit courir après l’ombre
Tant de fous qu’on n’en sait pas
La plupart du temps le nombre.
Au Chien dont parle Ésope il faut les renvoyer.
Ce Chien, voyant sa proie en l’eau représentée,
La quitta pour l’image, et pensa se noyer.
La rivière devint tout d’un coup agitée ;
À toute peine il regagna les bords,
Et n’eut ni l’ombre ni le corps.

 

 

LE LOUP ET LE CHIEN

 

Un loup n'avait que les os et la peau, 

Tant les chiens faisaient bonne garde.

Ce loup rencontre un dogue aussi puissant que beau, 

Gras, poli, qui s'était fourvoyé par mégarde.

L'attaquer, le mettre en quartiers,

Sire loup l'eût fait volontiers; 

Mais il fallait livrer bataille, 

Et le mâtin était de taille 

A se défendre hardiment. 

Le loup donc, l'aborde humblement

Entre en propos, et lui fait compliment 

Sur son embonpoint, qu'il admire. 

« Il ne tiendra qu'à vous, beau sire, 

D'être aussi gras que moi, lui repartit le chien. 

Quittez les bois, vous ferez bien: 

Vos pareils y sont misérables, 

Cancres, hères,et pauvres diables, 

Dont la condition est de mourir de faim.

Car quoi ? rien d'assuré; point de franche lippée ;

Tout à la pointe de l'épée. 

Suivez moi, vous aurez un bien meilleur destin.» 

Le loup reprit: «Que me faudra-t-il faire ? 

- Presque rien, dit le chien : donner la chasse aux gens 

Portants bâtons et mendiants ;  

Flatter ceux du logis, à son maître complaire : 

Moyennant quoi votre salaire 

Sera force reliefs de toutes les façons : 

Os de poulets, os de pigeons, 

Sans parler de mainte caresse.» 

Le loup déjà se forge une félicité 

Qui le fait pleurer de tendresse

Chemin faisant, il vit le cou du chien pelé. 

"Qu'est-ce là ? lui dit-il. - Rien. - Quoi ? rien ? -Peu de chose. 

Mais encor ? - Le collier dont je suis attaché 

De ce que vous voyez est peut-être la cause. 

- Attaché ? dit le loup: vous ne courez donc pas 

Où vous voulez? - Pas toujours; mais qu'importe ? -

Il importe si bien, que de tous vos repas 

Je ne veux en aucune sorte, 

Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor."

Cela dit, maître loup s'enfuit, et court encor.

 

 

l

FABLES DE FLORIAN (18ème siècle)

 

La brebis et le chien 

 

La brebis et le chien, de tous les temps amis,
Se racontaient un jour leur vie infortunée.
Ah ! disait la brebis, je pleure et je frémis
Quand je songe aux malheurs de notre destinée.
Toi, l'esclave de l'homme, adorant des ingrats,
Toujours soumis, tendre et fidèle,
Tu reçois, pour prix de ton zèle,
Des coups et souvent le trépas.
Moi, qui tous les ans les habille,
Qui leur donne du lait, et qui fume leurs champs,
Je vois chaque matin quelqu'un de ma famille
Assassiné par ces méchants.
Leurs confrères les loups dévorent ce qui reste.
Victimes de ces inhumains,
Travailler pour eux seuls, et mourir par leurs mains,
Voilà notre destin funeste !
Il est vrai, dit le chien : mais crois-tu plus heureux
Les auteurs de notre misère ?
Va, ma soeur, il vaut encor mieux
Souffrir le mal que de le faire.

 

 

 

Le Chien et le Chat 

 

 

Un chien, vendu par son maître,
Brisa sa chaîne, et revint
Au logis qui le vit naître.

Jugez de ce qu'il devint
Lorsque, pour prix de son zèle,
Il fut, de cette maison,
Reconduit par le bâton
Vers sa demeure nouvelle.

Un vieux chat, son compagnon,
Voyant sa surprise extrême,
En passant lui dit ce mot :

- Tu croyais donc, pauvre sot,
Que c'est pour nous qu'on nous aime !

 

 

 

 

L'Ecureuil, le Chien et le Renard

 

Un gentil écureuil était le camarade,
Le tendre ami d'un beau danois.
Un jour qu'ils voyageaient comme Oreste et Pylade,
La nuit les surprit dans un bois.

En ce lieu point d'auberge ; ils eurent de la peine
À trouver où se bien coucher.
Enfin le chien se mit dans le creux d'un vieux chêne,
Et l' écureuil plus haut grimpa pour se nicher.

Vers minuit, c'est l'heure des crimes,
Longtemps après que nos amis
En se disant bonsoir se furent endormis,
Voici qu'un vieux renard affamé de victimes
Arrive au pied de l' arbre, et, levant le museau,
Voit l' écureuil sur un rameau.

Il le mange des yeux, humecte de sa langue
Ses lèvres qui, de sang, brûlent de s'abreuver ;
Mais jusqu' à l' écureuil il ne peut arriver :
Il faut donc par une harangue
L'engager à descendre ; et voici son discours :

Ami, pardonnez, je vous prie,
Si, de votre sommeil, j'ose troubler le cours,
Mais le pieux transport dont mon âme est remplie
Ne peut se contenir ; je suis votre cousin germain.
Votre mère était sœur de feu mon digne père.

Cet honnête homme, hélas ! à son heure dernière,
M'a tant recommandé de chercher son neveu
Pour lui donner moitié du peu
Qu' il m'a laissé de bien !

Venez donc, mon cher frère,
Venez, par un embrassement,
Combler le doux plaisir que mon âme ressent.
Si je pouvois monter jusqu'aux lieux où vous êtes,
Oh ! J'y serais déjà, soyez-en bien certain.

Les écureuils ne sont pas bêtes,
Et le mien était fort malin ;
Il reconnaît le patelin,
Et répond d'un ton doux : je meurs d' impatience
De vous embrasser, mon cousin ;

Je descends : mais, pour mieux lier la connaissance,
Je veux vous présenter mon plus fidèle ami,
Un parent qui prit soin de nourrir mon enfance...
Il dort dans ce trou-là : frappez un peu ; je pense
Que vous serez charmé de le connaître aussi.

Aussitôt maître renard frappe,
Croyant en manger deux. Mais le fidèle chien
S'élance de l' arbre, le happe,
Et vous l'étrangle bel et bien.

Ceci prouve deux points : d'abord, qu' il est utile
Dans la douce amitié de placer son bonheur,
Puis, qu'avec de l' esprit il est souvent facile,
Au piège qu'il nous tend, de surprendre un trompeur.

 

 

 

LE CHIEN COUPABLE

 

"Mon frère, sais-tu la nouvelle ?
Mouflar, le bon Mouflar, de nos chiens, le modèle,
Si redouté des loups, si soumis au berger,
Mouflar vient, dit-on, de manger
Le petit agneau noir, puis la brebis sa mère,
Et puis sur le berger s'est jeté furieux.
- Serait-il vrai ? - Très vrai, mon frère.
- À qui donc se fier, grands dieux !"

C'est ainsi que parlaient deux moutons dans la plaine.
Et la nouvelle était certaine.
Mouflar, sur le fait même, pris,
N' attendait plus que le supplice ;
Et le fermier voulait qu'une prompte justice
Effrayât les chiens du pays.

La procédure en un jour est finie.
Mille témoins pour un, déposent l'attentat.
Récolés, confrontés, aucun d'eux ne varie :
Mouflar est convaincu du triple assassinat.

Mouflar recevra donc deux balles dans la tête
Sur le lieu même du délit.
À son supplice qui s'apprête,
Toute la ferme se rendit.

Les agneaux de Mouflar demandèrent la grâce.
Ele fut refusée. On leur fit prendre place.
Les chiens se rangèrent près d'eux,
Tristes, humiliés, mornes, l'oreille basse,
Plaignant, sans l'excuser, leur frère malheureux.

Tout le monde attendait dans un profond silence.
Mouflar paraît bientôt, conduit par deux pasteurs :
Il arrive ; et, levant au ciel ses yeux en pleurs,
Il harangue ainsi l' assistance :

"ô  vous, qu'en ce moment je n'ose et je ne puis
Nommer comme autrefois, mes frères, mes amis,
Témoins de mon heure dernière,
Voyez où peut conduire un coupable désir !
De la vertu, quinze ans j'ai suivi la carrière.
Un faux pas m'en a fait sortir.

Apprenez mes forfaits. Au lever de l'aurore,
Seul, auprès du grand bois, je gardais le troupeau.
Un loup vient, emporte un agneau,
Et tout en fuyant le dévore.
Je cours, j'atteins le loup, qui, laissant son festin,
Vient m' attaquer : je le terrasse,
Et je l'étrangle sur la place.

C'était bien jusque là : mais, pressé par la faim,
De l'agneau dévoré, je regarde le reste,
J'hésite, je balance... à la fin, cependant,
J'y porte une coupable dent :
Voilà de mes malheurs l'origine funeste.

La brebis vient dans cet instant,
Elle jette des cris de mère....
La tête m'a tourné, j'ai craint que la brebis
Ne m'accusât d'avoir assassiné son fils.
Et, pour la forcer à se taire,
Je l'égorge dans ma colère.

Le berger accourait armé de son bâton.
N'espérant plus aucun pardon,
Je me jette sur lui : mais bientôt on m' enchaîne,
Et me voici prêt à subir
De mes crimes, la juste peine.

Apprenez tous du moins, en me voyant mourir,
Que la plus légère injustice,
Aux forfaits les plus grands peut conduire d'abord ;
Et que, dans le chemin du vice,
On est au fond du précipice,
Dès qu'on met un pied sur le bord."

 

 

 

 

Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon (1707-1788) est l'auteur d’une Histoire naturelle, générale et particulière, publiée en 36 volumes entre 1749 et 1788. Ses contributions à l'évolutionnisme sont contenues, entre autres, dans " histoire naturelle, générale et particulière avec la description du cabinet du Roi, Tome Quatorzième " et, en particulier dans les causes de la dégénération. Vous pouvez visionner les planches coloriées de Buffon sur les animaux quadrupèdes du service de documentation de l'Université de Strasbourg.

 

LE CHIEN VU PAR BUFFON

 [...] Le chien, indépendamment de la beauté de sa forme, de la vivacité, de la force, de la légèreté, a par excellence toutes les qualités intérieures qui peuvent attirer les regards de l'homme. Un naturel ardent, colère, même féroce et sanguinaire, rend le chien sauvage redoutable à tous les animaux, et cède dans le chien domestique aux sentiments les plus doux, au plaisir de s'attacher et au désir de plaire ; il vient en rampant mettre aux pieds de son maître son courage, sa force, ses talents ; il attend ses ordres pour en faire usage ; il le consulte, il l'interroge, il le supplie ; un coup d'œil suffit, il entend les signes de sa volonté ; sans avoir, comme l'homme, la lumière de la pensée, il a toute la chaleur du sentiment ; il a de plus que lui la fidélité, la constance dans ses affections ; nulle ambition, nul intérêt, nul désir de vengeance, nulle crainte que celle de déplaire ; il est tout zèle, tout ardeur, et tout obéissance ; plus sensible au souvenir des bienfaits qu'à celui des outrages, il ne se rebute pas des mauvais traitements, il les subit, les oublie, ou ne s'en souvient que pour s'attacher davantage ; loin de s'irriter ou de fuir, il s'expose de lui-même à de nouvelles épreuves ; il lèche cette main, instrument de douleur qui vient de le frapper, il ne lui oppose que la plainte, et la désarme enfin par la patience et la soumission.

   Plus docile que l'homme, plus souple qu'aucun des animaux, non-seulement le chien s'instruit en peu de temps, mais même il se conforme aux mouvements, aux manières, à toutes les habitudes de ceux qui lui commandent ; il prend le ton de la maison qu'il habite ; comme les autres domestiques, il est dédaigneux chez les grands, et rustre à la campagne : toujours empressé pour son maître et prévenant pour ses seuls amis, il ne fait aucune attention aux gens indifférents, et se déclare contre ceux qui par état ne sont faits que pour importuner ; il les connait aux vêtements, à la voix, à leurs gestes, et les empêche d'approcher. [...]

   On sentira de quelle importance cette espèce est dans l'ordre de la nature. En supposant un instant qu'elle n'eût jamais existé, comment l'homme aurait-il pu, sans le secours du chien, conquérir, dompter, réduire en esclavage les autres animaux ? comment pourrait-il encore aujourd'hui découvrir, chasser, détruire les bêtes sauvages les plus nuisibles ? Pour se mettre en sûreté, et pour se rendre maître de l'univers vivant, il a fallu commencer par se faire un parti parmi les animaux, se concilier avec douceur et par caresses ceux qui se sont trouvés capables de s'attacher et d'obéir, afin de les opposer aux autres. Le premier art de l'homme a donc été l'éducation du chien, et le fruit de cet art la conquête et la possession paisible de la terre. [...] "

 

VICTOR HUGO (19ème siècle)
La mort d'un chien
 

Un groupe tout à l’heure était là sur la grève,
Regardant quelque chose à terre. – Un chien qui crève !
M’ont crié des enfants ; voilà tout ce que c’est. –
Et j’ai vu sous leurs pieds un vieux chien qui gisait.
L’océan lui jetait l’écume de ses lames.
– Voilà trois jours qu’il est ainsi, disaient des femmes,
On a beau lui parler, il n’ouvre pas les yeux.
– Son maître est un marin absent, disait un vieux.
Un pilote, passant la tête à sa fenêtre,
A repris : – Ce chien meurt de ne plus voir son maître.
Justement le bateau vient d’entrer dans le port ;
Le maître va venir, mais le chien sera mort. –
Je me suis arrêté près de la triste bête,
Qui, sourde, ne bougeant ni le corps ni la tête,
Les yeux fermés, semblait morte sur le pavé.
Comme le soir tombait, le maître est arrivé,
Vieux lui-même ; et, hâtant son pas que l’âge casse,
A murmuré le nom de son chien à voix basse.
Alors, rouvrant ses yeux pleins d’ombre, exténué,
Le chien a regardé son maître, a remué
Une dernière fois sa pauvre vieille queue,
Puis est mort. C’était l’heure où, sous la voûte bleue,
Comme un flambeau qui sort d’un gouffre, Vénus luit ;
Et j’ai dit : D’où vient l’astre ? où va le chien ? ô nuit !

 

Victor Hugo (1802-1885), « Recueil : Les quatre vents de l'esprit »

 

Charles BAUDELAIRE (19ème siècle) :
LES BONS CHIENS (Petits poèmes en prose)

 

 

 (…) Arrière la muse académique ! Je n'ai que faire de cette vieille bégueule. J'invoque la muse familière, la citadine, la vivante, pour qu'elle m'aide à chanter les bons chiens, les pauvres chiens, les chiens crottés, ceux-là que chacun écarte, comme pestiférés et pouilleux, excepté le pauvre dont ils sont les associés, et le poète qui les regarde d'un œil fraternel.

   Fi du chien bellâtre, de ce fat quadrupède, danois, king-charles, carlin ou gredin, si enchanté de lui-même qu'il s'élance indiscrètement dans les jambes ou sur les genoux du visiteur, comme s'il était sûr de plaire, turbulent comme un enfant, sot comme une lorette, quelquefois hargneux et insolent comme un domestique ! Fi surtout de ces serpents à quatre pattes, frissonnants et désœuvrés, qu'on nomme levrettes, et qui ne logent même pas dans leur museau pointu assez de flair pour suivre la piste d'un ami, ni dans leur tête aplatie assez d'intelligence pour jouer au domino !


    A la niche, tous ces fatigants parasites !

    Qu'ils retournent à leur niche soyeuse et capitonnée. Je chante le chien crotté, le chien pauvre, le chien sans domicile, le chien flâneur, le chien saltimbanque, le chien dont l'instinct, comme celui du pauvre, du bohémien et de l'histrion, est merveilleusement aiguillonné par la nécessité, cette si bonne mère, cette vraie patronne des intelligences !


    Je chante les chiens calamiteux, soit ceux qui errent solitaires, dans les ravines sinueuses des immenses villes, soit ceux qui ont dit à l'homme abandonné, avec des yeux clignotants et spirituels :

« Prends-moi avec toi, et de nos deux misères nous ferons peut-être une espèce de bonheur !» (…)

 

 

 

Charles Baudelaire (1821-1867)Petits poèmes en prose (1864), extrait du poème Les Bons Chiens (extrait)

 

 

Le Chien et le Flacon
Charles Baudelaire

« — Mon beau chien, mon bon chien, mon cher toutou, approchez et venez respirer un excellent parfum acheté chez le meilleur parfumeur de la ville. »
Et le chien, en frétillant de la queue, ce qui est, je crois, chez ces pauvres êtres, le signe correspondant du rire et du sourire, s’approche et pose curieusement son nez humide sur le flacon débouché ; puis, reculant soudainement avec effroi, il aboie contre moi en manière de reproche.
« — Ah ! misérable chien, si je vous avais offert un paquet d’excréments, vous l’auriez flairé avec délices et peut-être dévoré. Ainsi, vous-même, indigne compagnon de ma triste vie, vous ressemblez au public, à qui il ne faut jamais présenter des parfums délicats qui l’exaspèrent, mais des ordures soigneusement choisies.»

Charles Baudelaire, Petits poèmes en prose, 1869

 

NOUVELLE DE GUY DE MAUPASSANT

Guy de Maupassant : Histoire d'un chien. Texte publié dans Le Gaulois du 2 juin 1881.

HISTOIRE D'UN CHIEN

    Toute la presse a répondu dernièrement à l'appel de la Société protectrice des animaux, qui veut fonder un asile pour les bêtes. Ce serait là une espèce d'hospice, et un refuge où les pauvres chiens sans maître trouveraient la nourriture et l'abri, au lieu du noeud coulant que leur réserve l'administration. 
    Les journaux, à ce propos, ont rappelé la fidélité des bêtes, leur intelligence, leur dévouement. Ils ont cité des traits de sagacité étonnante. Je veux à mon tour raconter l'histoire d'un chien perdu, mais d'un chien du commun, laid, d'allure vulgaire. Cette histoire, toute simple, est vraie de tout point. 

    Dans la banlieue de Paris, sur les bords de la Seine, vit une famille de bourgeois riches. Ils ont un hôtel élégant, grand jardin, chevaux et voitures, et de nombreux domestiques. Le cocher s'appelle François. C'est un gars de la campagne, à moitié dégourdi seulement, un peu lourdaud, épais, obtus, et bon garçon. 
    Comme il rentrait un soir chez ses maîtres, un chien se mit à le suivre. Il n'y prit point garde d'abord ; mais l'obstination de la bête à marcher sur ses talons le fit bientôt se retourner. Il regarda s'il connaissait ce chien : mais non, il ne l'avait jamais vu. 
    C'était une chienne d'une maigreur affreuse, avec de grandes mamelles pendantes. Elle trottinait derrière l'homme d'un air lamentable et affamé, la queue serrée entre les pattes, les oreilles collées contre la tête ; et, quand il s'arrêtait, elle s'arrêtait, repartant quand il repartait. 
    Il voulut chasser ce squelette de bête ; et cria : "Va-t'en, veux-tu te sauver, houe ! houe !" Elle s'éloigna de deux ou trois pas, et se planta sur son derrière, attendant ; puis, dès que le cocher se remit en marche, elle repartit derrière lui. 
    Il fit semblant de ramasser des pierres. L'animal s'enfuit un peu plus loin, avec un grand ballottement de ses mamelles flasques ; mais il revint aussitôt que l'homme eut le dos tourné. Alors le cocher François l'appela. La chienne s'approcha timidement, l'échine pliée comme un cercle et toutes les côtes soulevant la peau. Il caressa ces os saillants, et, pris de pitié pour cette misère de bête : "Allons, viens !" dit-il. Aussitôt elle remua la queue, se sentant accueillie, adoptée, et au lieu de rester dans les mollets du maître qu'elle avait choisi, elle commença à courir devant lui. 
    Il l'installa sur la paille de l'écurie, puis courut à la cuisine chercher du pain. Quand elle eut mangé tout son soûl, elle s'endormit, couchée en rond. 
    Le lendemain, les maîtres, avertis par le cocher, permirent qu'il gardât l'animal. Cependant la présence de cette bête dans la maison devint bientôt une cause d'ennuis incessants. Elle était assurément la plus dévergondée des chiennes ; et, d'un bout à l'autre de l'année, les prétendants à quatre pattes firent le siège de sa demeure. Ils rôdaient sur la route, devant la porte, se faufilaient par toutes les issues de la haie vive qui clôturait le jardin, dévastaient les plates-bandes, arrachant les fleurs, faisant des trous dans les corbeilles, exaspéraient le jardinier. Jour et nuit c'était un concert de hurlements et des batailles sans fin. 
    Les maîtres trouvaient jusque dans l'escalier, tantôt de petits roquets à queue empanachée, des chiens jaunes, rôdeurs de bornes, vivant d'ordures, tantôt des terre-neuve énormes à poils frisés, des caniches moustachus, tous les échantillons de la race aboyante. 
    La chienne, que François avait, sans malice, appelée "Cocote" (et elle méritait son nom), recevait tous ces hommages ; et elle produisait, avec une fécondité vraiment phénoménale, des multitudes de petits chiens de toutes les espèces connues. Tous les quatre mois, le cocher allait à la rivière noyer une demi-douzaine d'êtres grouillants, qui piaulaient déjà et ressemblaient à des crapauds. 
    Cocote était maintenant devenue énorme. Autant elle avait été maigre, autant elle était obèse, avec un ventre gonflé sous lequel traînaient toujours ses longues mamelles ballottantes. Elle avait engraissé tout d'un coup, en quelques jours ; et elle marchait avec peine, les pattes écartées à la façon des gens trop gros, la gueule ouverte pour souffler, et exténuée aussitôt qu'elle s'était promenée dix minutes. 
    Le cocher François disait d'elle : "C'est une bonne bête pour sûr, mais qu'est, ma foi, bien déréglée." 
    Le jardinier se plaignait tous les jours. La cuisinière en fit autant. Elle trouvait des chiens sous son fourneau, sous les chaises, dans la soupente au charbon ; et ils volaient tout ce qui traînait. 
    Le maître ordonna à François de se débarrasser de Cocote. Le domestique désespéré pleura, mais il dut obéir. Il offrit la chienne à tout le monde. Personne n'en voulut. Il essaya de la perdre ; elle revint. Un voyageur de commerce la mit dans le coffre de sa voiture pour la lâcher dans une ville éloignée. La chienne retrouva sa route, et, malgré sa bedaine tombante, sans manger sans doute, en un jour, elle fut de retour ; et elle rentra tranquillement se coucher dans son écurie. 
    Cette fois, le maître se fâcha et, ayant appelé François, lui dit avec colère : "Si vous ne me flanquez pas cette bête à l'eau avant demain, je vous fiche à la porte, entendez-vous !" 
    L'homme fut atterré, il adorait Cocote. Il remonta dans sa chambre, s'assit sur son lit, puis fit sa malle pour partir. Mais il réfléchit qu'une place nouvelle serait impossible à trouver, car personne ne voudrait de lui tant qu'il traînerait sur ses talons cette chienne, toujours suivie d'un régiment de chiens. Donc il fallait s'en défaire. Il ne pouvait la placer ; il ne pouvait la perdre ; la rivière était le seul moyen. Alors il pensa à donner vingt sous à quelqu'un pour accomplir l'exécution. Mais, à cette pensée, un chagrin aigu lui vint ; il réfléchit qu'un autre peut-être la ferait souffrir, la battrait en route, lui rendrait durs les derniers moments, lui laisserait comprendre qu'on voulait la tuer, car elle comprenait tout, cette bête ! Et il se décida à faire la chose lui-même. 
    Il ne dormit pas. Dès l'aube, il fut debout, et, s'emparant d'une forte corde, il alla chercher Cocote. Elle se leva lentement, se secoua, étira ses membres et vint fêter son maître. 
    Alors il s'assit et, la prenant sur ses genoux, la caressa longtemps, l'embrassa sur le museau ; puis, se levant, il dit : "Viens." Et elle remua la queue, comprenant qu'on allait sortir. 
    Ils gagnèrent la berge, et il choisit une place où l'eau semblait profonde. 
    Alors il noua un bout de la corde au cou de la bête, et, ramassant une grosse pierre, l'attacha à l'autre bout. Après quoi, il saisit la chienne en ses bras et la baisa furieusement, comme une personne qu'on va quitter. Il la tenait serrée sur sa poitrine, la berçait ; et elle se laissait faire, en grognant de satisfaction. 
    Dix fois, il la voulut jeter ; chaque fois, la force lui manqua. Mais tout à coup il se décida et, de toute sa force, il la lança le plus loin possible. Elle flotta une seconde, se débattant, essayant de nager comme lorsqu'on la baignait : mais la pierre l'entraînait au fond ; elle eut un regard d'angoisse ; et sa tête disparut la première, pendant que ses pattes de derrière, sortant de l'eau, s'agitaient encore. Puis quelques bulles d'air apparurent à la surface. François croyait voir sa chienne se tordant dans la vase du fleuve. 

    Il faillit devenir idiot, et pendant un mois il fut malade, hanté par le souvenir de Cocote qu'il entendait aboyer sans cesse. 
    Il l'avait noyée vers la fin d'avril. Il ne reprit sa tranquillité que longtemps après. Enfin il n'y pensait plus guère, quand, vers le milieu de juin, ses maîtres partirent et l'emmenèrent aux environs de Rouen où ils allaient passer l'été. 
    Un matin, comme il faisait très chaud, François sortit pour se baigner dans la Seine. Au moment d'entrer dans l'eau, une odeur nauséabonde le fit regarder autour de lui, et il aperçut dans les roseaux une charogne, un corps de chien en putréfaction. Il s'approcha, surpris par la couleur du poil. Une corde pourrie serrait encore son cou. C'était sa chienne, Cocote, portée par le courant à soixante lieues de Paris. 
    Il restait debout avec de l'eau jusqu'aux genoux, effaré, bouleverse comme devant un miracle, en face d'une apparition vengeresse. Il se rhabilla tout de suite et, pris d'une peur folle, se mit à marcher au hasard devant lui, la tête perdue. Il erra tout le jour ainsi et, le soir venu, demanda sa route, qu'il ne retrouvait pas. Jamais depuis il n'a osé toucher un chien. 
    Cette histoire n'a qu'un mérite : elle est vraie, entièrement vraie. Sans la rencontre étrange du chien mort, au bout de six semaines et à soixante lieues plus loin, je ne l'eusse point remarquée, sans doute ; car combien en voit-on, tous les jours, de ces pauvres bêtes sans abri ! 
    Si le projet de la Société protectrice des animaux réussit, nous rencontrerons peut-être moins de ces cadavres à quatre pattes échoués sur les berges du fleuve. 

2 juin 1881

JULES RENARD, Histoires naturelles

(1896)

 

   Observateur du monde, Renard cherche à restituer en peu de mots la nature dans sa diversité et la manifestation des règnes humain, animal et végétal. Les animaux occupent ainsi une place prépondérante, ils sont dépeints en étroite relation avec les hommes et les végétaux. L'auteur s'intéresse à toutes sortes d'animaux : la souris, la baleine, la pintade, l'escargot, le paon, le brochet, la puce...
   Lisons deux textes qui mettent en scène des chiens. Nous noterons l'ambivalence de Jules Renard : d'une part, il donne l'impression de s'éloigner de rêves poétiques de fraternisation avec les animaux considérés par certains comme des égaux ; d'autre part, il est capable de s'enflammer contre la vox populi qui déclare que "la mort d'un chien n'est rien". Dans "Dédéche est mort", il raconte par exemple la mort du petit griffon de sa fille Marie, euthanasié par nécessité.

 A propos des animaux, J. Renard souhaitait un renversement de perspective : "Histoire naturelles - Buffon décrit les animaux pour faire plaisir aux hommes. Moi, je voudrais être agréable aux animaux mêmes. Je voudrais, s'ils pouvaient lire mes petites Histoires naturelles, que cela les fît sourire." (Journal, 18 septembre 1895)

 

LES CHIENS



       Les deux chiens qui s'étaient pris, là-bas, de l'autre côté du canal, et que nous ne pouvions pas ne pas voir, Gloriette et moi, de notre banc, nous donnaient le spectacle d'un grotesque et douloureux collage dont la rupture s'éternise, quand arriva près d'eux Coursol. Il ramenait ses moutons par le canal et portait sur l'épaule une bûche de bois qu'il avait ramassée en chemin pour se chauffer l'hiver.

Dès qu'il s'aperçut que l'un des deux chiens était à lui, il le saisit par le collier et laissa d'abord tomber sa bûche, sans hâte, sur l'autre chien.

Comme les deux bêtes ne se séparaient pas, Coursol, au milieu de ses moutons arrêtés, dut frapper plus fort.

Le chien hurla sans pouvoir rompre. On entendit alors les coups de bûche résonner sur l'échine.

- Pauvres bêtes ! dit Gloriette pâle.

- Voilà, dis-je, comme on les traite au pays, et c'est étonnant que Coursol ne les jette pas au canal. L'eau agirait plus vite.

- Quelle brute ! dit Gloriette.

- Mais non ! C'est Coursol, un brave homme paisible.

Gloriette se retenait de crier. J'étais écoeuré comme elle, mais j'avais l'habitude.

- Ordonne-lui de cesser ! dit Gloriette.

- Il est loin, il m'entendrait mal.

- Lève-toi ! fais-lui des signes !

- S'il me comprenait, il répondrait sans colère :

“ Est-ce qu'on peut laisser des chiens dans cet état ? ” Gloriette regardait, toute blanche, lèvres ouvertes, et Coursol tapait toujours sur le chien courbaturé.

- Ça devient atroce ! Veux-tu que je m'en aille ? dit Gloriette prise de pudeur. Tu pourras mieux te révolter contre ce misérable !

Je l'allais répondre je ne sais quoi, quelque chose de ce genre : “ Ce n'est pas sur notre commune ! ”, lorsqu'un dernier coup de bûche, qui pouvait les assommer, désunit les deux bêtes. Coursol, ayant agi comme il devait, poussa ses moutons vers le village. Les chiens, libres, restèrent quelques instants l'un près de l'autre. Ils tournaient, penauds, sur eux-mêmes, encore liés par le souvenir.





DEDECHE EST MORT



C'était le petit griffon de mademoiselle et nous l'aimions tous.

Il connaissait l'art de se pelotonner n'importe où, et, même sur une table, il semblait dormir au creux d'un nid.

Il avait compris que la caresse de sa langue nous devenait désagréable et il ne nous caressait plus qu'avec sa patte, sur la joue, finement. Il suffisait de se protéger l'œil.

Il riait. On crut longtemps que c'était une façon d'éternuer, mais c'était bien un rire.
Quoiqu'il n'eût pas de profonds chagrins, il savait pleurer, c'est-à-dire grogner de la gorge, avec une goutte d'eau pure au coin des yeux.



Il lui arrivait de se perdre et de revenir à la maison tout seul, si intelligemment, qu'à nos cris de joie nous tâchions d'ajouter quelques marques d'estime.

Sans doute, il ne parlait pas, malgré nos efforts. En vain, mademoiselle lui disait :

“ Si tu parlais donc un tout petit peu ! ” Il la regardait, frémissant, étonné comme elle. De la queue, il faisait bien les gestes, il ouvrait les mâchoires, mais sans aboyer. Il devinait que mademoiselle espérait mieux qu'un aboiement, et la parole était au coeur, près de monter à la langue et aux lèvres. Il aurait fini par la donner, il n'avait pas encore l'âge !

Un soir sans lune, à la campagne, comme Dédéche se cherchait des amis au bord de la route, un gros chien, qu'on ne reconnut pas, sûrement de braconnier, happa cette fragile boule de soie, la secoua, la serra, la rejeta et s'enfuit.

Ah ! si mademoiselle avait pu saisir ce chien féroce, le mordre à la gorge, le rouler et l'étouffer dans la poussière !

Dédéche guérit de la blessure des crocs, mais il lui resta aux reins une douloureuse faiblesse.
Il se mit à pisser partout. Dehors, il pissait comme une pompe, tant qu'il pouvait, joyeux de nous délivrer d'un souci, et à peine rentré il ne se retenait déjà plus.
Dès qu'on tournait le dos, il tournait le sien au pied d'un meuble, et mademoiselle jetait son cri d'alarme monotone : “ Une éponge ! de l'eau ! du soufre ! ” On se mettait en colère, on grondait Dédéche d'une voix terrible, et on le battait avec des gestes violents qui ne le touchaient pas, son regard fin nous répondait :

“ Je sais bien, mais que faire ? ” Il restait gentil et gracieux, mais parfois il se voûtait comme s'il avait sur l'échine les dents du chien de braconnier.

Et puis son odeur finissait par inspirer des mots aux amis les moins spirituels.

Le cœur même de mademoiselle allait durcir !


     Il fallut tuer Dédéche.

     C'est très simple : on fait une incision dans une bouchée de viande, on y met deux poudres, une de cyanure de potassium, l'autre d'acide tartrique, on recoud avec du fil très fin. On donne une première boulette inoffensive, pour rire, puis la vraie. L'estomac digère et les deux poudres, par réaction, forment de l'acide cyanhydrique ou prussique qui foudroie l'animal.

     Je ne veux plus me rappeler qui de nous administra les boulettes.

     Dédéche attend, couché, bien sage, dans sa corbeille.

     Et nous aussi nous attendons, nous écoutons de la pièce à côté, affalés sur des sièges, comme pris d'une immense fatigue.

      Un quart d'heure passe, une demi-heure. Quelqu'un dit doucement :

     - Je vais voir.

     - Encore cinq minutes !

    Nos oreilles bourdonnent. Ne croirait-on pas qu'un chien hurle quelque part, au loin, le chien de braconnier ?

     Enfin le plus courageux de nous disparaît et revient dire d'une voix qu'on ne lui connaissait pas :

    - C'est fini ! Mademoiselle laisse tomber sa tête sur le lit et sanglote. Elle cède aux sanglots, comme on a le fou rire, quand on ne voulait que rire.

    Elle répète, la figure dans l'oreiller :

   - Non, non, je ne boirai pas mon chocolat ce matin !

    A la maman qui lui parle de mari, elle murmure qu'elle restera vieille fille.

    Les autres rattrapent à temps leurs larmes. Ils sentent qu'ils pleureraient tous et que chaque nouvelle source ferait jaillir une source voisine.

    Ils disent à mademoiselle :

    - Tu es bête, ce n'est rien !

    Pourquoi rien ? C'était de la vie ! et nous ne pouvons pas savoir jusqu'où allait celle que nous venons de supprimer.

  Par pudeur, pour ne pas avouer que la mort d'un petit chien nous bouleverse, nous songeons aux êtres humains déjà perdus, à ceux qu'on pourrait perdre, à tout ce qui est mystérieux, incompréhensible, noir et glacé.

   Le coupable se dit : “ Je viens de commettre un assassinat par trahison.”   Il se lève et ose regarder sa victime. Plus tard, nous saurons qu'il a baisé le petit crâne chaud et doux de Dédéche.

   - Ouvre-t-il ses yeux ?

   - Oui, mais des yeux vitreux, qui ne voient plus.

   - Il est mort sans souffrir ?

   - Oh ! j'en suis sûr.

   - Sans se débattre ?

   - Il a seulement allongé sa patte au bord de la corbeille, comme s'il nous tendait encore une petite main.

 

 

L'AMIE DES BETES  ET DE LA NATURE: COLETTE  (1873-1954)
Dialogues de bêtes (1904)

 

Les hommes vus par les animaux
(point de vue d'un internaute) :



Ces Dialogues de bêtes ont quelque chose d’enfantin et en même temps quelque chose de sensible qui plaira à tout adulte amoureux des animaux, comme Colette l’était. Toby-le-chien et Kiki-la-doucette sont les deux personnages principaux, animaux principaux, de ces dialogues qui usent de tous les codes du théâtre. Toby est un bull bringé noir dévoué à sa maîtresse, qu’il vénère comme une divinité. Il ne pense qu’à lui faire plaisir et se montre fort inquiet lorsqu’elle est absente. Il est même prêt à avaler de l’huile de ricin pour elle. Il est surnommé avec humour le « saucisson larmoyeur». Kiki, c’est le chat, plus fier et plus intelligent que le chien. Ces deux animaux ont des « Deux-Pattes », les humains : Lui et Elle. C'est la rencontre entre ces deux mondes qui est passionnant : le monde animal qui observe le monde des humains. Les animaux tentent de décrypter les liens sociaux et amoureux, essaient de comprendre le fonctionnement de certains outils ou de certains moyens de transport.
Ces dialogues sont plaisants à lire par leur dynamisme, par la naïveté des animaux parfois et par cette manière subtile d'entrer dans l'intimité des humains. Les deux animaux principaux étaient réellement des animaux de Colette. L'on sent clairement son attachement à ses bêtes et l'on s'attache à notre tour à ces animaux. Une certaine tendresse transparaît parfois dans les dialogues, qui soulignent l'attention que l'auteure porte à ce chien et à ce chat.
Des dialogues profondément humains, sensibles, amusants et poétiques.

 

 

LE CHAT ET LE CHIEN.

 

Le perron au soleil. La sieste après déjeuner. Toby-Chien et Kiki-la-Doucette gisent sur la pierre brûlante. Un silence de Dimanche. Pourtant, Toby-Chien ne dort pas, tourmenté par les mouches et par un déjeuner pesant. Il rampe sur le ventre, le train de derrière aplati en grenouille, jusqu'à Kiki-La-Doucette, fourrure tigrée, immobile.

 

TOBY-CHIEN : Tu dors ?

KIKI-LA-DOUCETTE, ronron faible : …

TOBY-CHIEN : Vis-tu seulement ? Tu es si plat ! Tu as l'air d'une peau de chat vide.

KIKI-LA-DOUCETTE, voix mourante : Laisse...

TOBY-CHIEN : Tu n'es pas malade ?

KIKI-LA-DOUCETTE : Non... laisse-moi. Je dors. Je ne sais plus si j'ai un corps. Quel tourment de vivre près de toi ! J'ai mangé, il est deux heures... dormons.

TOBY-CHIEN : Je ne peux pas. Quelque chose fait boule dans mon estomac. Cela va descendre, mais lentement. Et puis ces mouches !... La vue d'une seule tire mes yeux hors de ma tête. Comment font-elles ? Je ne suis que mâchoires hérissées de dents terribles (entends les claquer) et ces bêtes damnés m'échappent. Hélas ! mes oreilles ! Hélas ! mon tendre ventre bistré ! ma truffe enfiévrée !... Là ! juste sur mon nez, tu vois ? Comment faire ? Je louche tant que je peux... Il y a deux mouches maintenant ? Non, une seule... Non, deux... Je les jette en l'air comme un morceau de sucre. C'est le vide que je happe... Je n'en puis plus. Je déteste le soleil, et les mouches, et tout !...

Il Gémit.

KIKI-LA-DOUCETTE, assis, les yeux pâles de sommeil et de lumière : Tu as réussi à m'éveiller. C'est tout ce que tu voulais n'est-ce pas ? Mes rêves sont partis. A peine sentais-je, à la surface de ma fourrure profonde, les petits pieds agaçants de ces mouches que tu poursuis. Un effleurement, une caresse parfois ridait d'un frisson l'herbe incliné et soyeuse qui me revêt... Mais tu ne sais rien faire discrètement ; ta joie populacière encombre, ta douleur cabotine gémit. Méridional va !

TOBY-CHIEN, amer : Si c'est pour me dire ça que tu t'es réveillé !...

KIKI-LA-DOUCETTE, rectifiant : Que tu m'as réveillé.

TOBY-CHIEN : J'étais mal à l'aise, je quêtais une aide, une parole encourageante...

KIKI-LA-DOUCETTE : Je ne connais point de verbes digestifs. Quand je pense que de nous deux, c'est moi qui passe pour un sale caractère ! Mais rentre un peu en toi-même, compare ! La chaleur t'excède, la faim t'affole, le froid te fige...

TOBY-CHIEN, vexé : Je suis un sensitif.

KIKI-LA-DOUCETTE : Dis : Un énergumène.

TOBY-CHIEN : Non, je ne le dirai pas. toi, tu es un monstrueux égoïste.

KIKI-LA-DOUCETTE : Peut-être. Les Deux-Pattes - ni toi – n'entendent rien à l'égoïsme, à celui des Chats... Ils baptisent ainsi, pêle-mêle, l'instinct de préservation, la pudique réserve, la dignité, le renoncement fatigué qui nous vient de l'impossibilité d'être compris par eux. Chien peu distingué, mais dénué de parti pris, me comprendras-tu mieux ? Le chat est un hôte et non un jouet. En vérité, je ne sais en quel temps nous vivons ! Les Deux-Pattes, Lui et Elle, ont-ils seuls le droit de s'attrister, de se réjouir, de laper les assiettes, de gronder, de promener par la maison une humeur capricieuse ? J'ai, moi aussi, MES caprices, MA tristesse, mon appétit inégal, mes heures de retraite rêveuse où je me sépare du monde...

 

COLETTE : DIALOGUE DE BÊTES : LE CHAT ET LE CHIEN.

UN POETE DU 20ème SIECLE : JACQUES PREVERT

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cf. JACQUES PREVERT : Histoires de chiens - Poème

Dans l'Aurore, un grand quotidien parisien,
le 23 novembre 1972
On pouvait voir le portrait de trois chiens :
Tom le setter irlandais
Patrick le carlin
et Vicky le caniche nain
« les trois chiens de la Maison Blanche habillés de rubans multicolores en l'honneur de Noël, chargés habituellement de délasser le Président Nixon des soucis de la politique ».
Ce sont vos chiens monsieur le Président
mais dites-moi, le chien de qui êtes-vous? certainement
pas un chien perdu, un bon Médor fouillant dans la
boîte de Pandore pour découvrir un peu de bonheur. Vous n'êtes pas, non plus, comme Papillon le chien de
madame Chautard et l'ami d'un petit chat qu'on
avait jeté dans la Durance.
« — Ils me jetaient des pierres pour me tuer. — Allons, répondait Papillon, ne pense plus à ces choses. Dors! Puis il s'est mis à lécher son ami sur le front, justement là où sont les idées tristes des petits chats. »
Les petits enfants du Viêt-Nam que vous avez et que vous arrachez chaque jour à la vie, eux non plus, comme le petit chat ne voulaient pas, ne veulent pas mourir.
Alors!
Alors vous n'êtes pas un bon chien.
Tout bêtement, trop souvent, tout simplement vous êtes comme un roi des rois, le roi des chiens méchants.
Des chiens policiers, des chiens bombardiers, des chiens racistes, assassins, éventreurs.
Et vous portez collier d'or et chaîne de plutonium rivée à votre grande Niche Blanche.
Blanc comme elle
le linge sèche devant
en plein vent.
Pas la moindre tache de saleté cachée,
la moindre trace de sang coagulé.
Le jardin n'est pas défolié.
Les tondeuses à gazon ronronnent pendant que tombent au Viêt-Nam les bombes de trente tonnes et que les majorettes de la majorité qui se tait claironnent, la jambe en l'air, l'entrain, la gaieté.
Le silence est d'or malgré le vacarme de la mort.
Et vous en profitez, monsieur le Président Nixon, pour proclamer dans les micros du monde entier les statuts de votre liberté
Article premier :
Seuls nous serons libres d'être libres et Dieu reconnaîtra les chiens!
Les chiens!
S'il en a été question ici c'est à cause d'un dessin de
Sandy avec un chien déjà ancien Sandy c'est Calder
Calder est américain et l'Amérique est son pays un pays comme un autre, mais peut-être un peu trop
grand pour lui un pays vivant, tragique et marrant avec dedans pas seulement des chiens dévorants mais des très malheureux et des trop contents d'eux, et des amis, et des amants, des fous, des savants, des enfants merveilleux noirs et blancs.
Ce pays je le connais à peine
Sandy je le connais à plaisir
Fasse le fil des jours dans les aiguilles du temps
Un de ces jours-là, précisément, Janine ma femme, demandait à Sandy s'il y avait longtemps qu'on se connaissait.
- Oui longtemps, très longtemps, à Montparnasse, sous
la table! répondit Sandy à très peu de choses près, c'était vrai.

 
SCIENCE-FICTION : UN ROMAN AMERICAIN
DES ANNEES 50
Clifford D. SIMAK, Demain les chiens.

Œuvre de science-fiction de l’écrivain américain SIMAK (1904-1988) se présentant comme un recueil de contes réunis par des chiens civilisés et préfacés par un chien spécialiste d’une « race mythique » : la « race humaine ».

  En ce qui concerne l’Homme, par contre, la terminologie a été bien mise au point. Cette race mythique était désignée sous le nom de race humaine ; les femelles sont des femmes ou des épouses (deux termes qui ont peut-être jadis correspondu à des nuances distinctes, mais que l’on regarde aujourd’hui comme synonymes), les chiots sont des enfants. Un chiot mâle est un garçon. Un chiot femelle, une fille.

  Outre le concept de cité, deux autres concepts apparaissent dans le conte, que le lecteur sera incapable de concilier avec son mode de vie et qui heurteront peut-être même sa façon de penser : ce sont les idées de guerre et de meurtre. Le meurtre est un procédé, impliquant généralement la violence, par lequel une créature vivante met un terme à la vie d’une autre créature vivante. La guerre, semble-t-il, était une forme de meurtre collectif pratiqué à une échelle inconcevable.

  Rover1 déclare, dans son étude de la légende, être persuadé que les contes sont beaucoup plus anciens qu’on ne le croit d’ordinaire : il affirme en effet que des concepts comme ceux de guerre et de meurtre n’ont pas pu venir de notre culture actuelle mais qu’ils doivent remonter à une ère de sauvagerie dont on ne possède plus de traces historiques.

Clifford D. SIMAK, Demain les chiens, trad. par J. Rosenthal, Club français du livre (1952)

 

1.Rover : spécialiste imaginé par l’auteur.

 

PENCHONS-NOUS SUR LES RELATIONS ENTRE L'HOMME ET LE CHIEN

Voici un texte tiré de la revue Science et Vie, n°85, juillet-août 1992 :

   Un chien qu’on traite à l’excès comme un humain finit par s’en arroger les droits et se comporter comme le personnage du roman fantastique et satirique de l’écrivain russe Mikhaïl Boulgakov, « Cœur de chien » : doté d’une morphologie humaine par les greffes réussies d’un imaginaire Professeur Préobroyensky, l’animal finit par être arrogant, puis grossier, ingrat, agressif et … politicard !

  Par ailleurs dans le faux rapport de couple qu’on crée trop souvent avec un animal, celui-ci ressent toute intrusion d’un humain comme un risque de détournement d’affection (ou de nourriture). C’est ainsi que des animaux jusqu’alors affectueux peuvent devenir sauvages quand on accorde des caresses à un enfant et, encore plus, quand un bébé naît dans la maisonnée. Les cas ne sont hélas pas rares de chiens jusqu’alors affectueux qui se jettent sauvagement sur un enfant…

  La sensiblerie n’est donc pas plus de mise que l’anthropomorphisme dans nos rapports avec les animaux.                                                                      

   (D. DUBRANA)

SKETCH DE RAYMOND DEVOS 

Raymond. Devos. (1922-2006) Sens dessus dessous,

« Mon chien, c'est quelqu'un ». 

Raymond Devos est un célèbre humoriste contemporain. Il aime railler les aspects absurdes de la vie quotidienne et explorer le double-sens des mots et les divers pièges du langage. 

Depuis quelque temps, mon chien m'inquiète... 
Il se prend pour un être humain, et je n'arrive pas à l'en dissuader. 
Ce n'est pas tellement que je prenne mon chien pour plus bête qu'il n'est... 
Mais que lui se prenne pour quelqu'un, c'est un peu abusif ! Est-ce que je me prends pour un chien, moi ? 
Quoique... 
Quoique... Dernièrement, il s'est passé une chose troublante qui m'a mis la puce à l'oreille ! Je me promenais avec mon chien que je tenais en laisse... Je rencontre une dame avec sa petite fille et j'entends la dame qui dit à sa petite fille : 
"Va ! Va caresser le chien ! " 
Et la petite fille est venue me caresser la main ! J'avais beau lui faire signe, qu'il y avait erreur sur la personne, que le chien, c'était l'autre... la petite fille a continué de me caresser gentiment la main... Et la dame a dit : 
- Tu vois qu'il n'est pas méchant ! 
Et mon chien, lui, qui ne rate jamais une occasion de se taire... a cru bon d'ajouter : 
- il ne lui manque que la parole, madame ! 
Ça vous étonne, hein ? Eh bien, moi, ce qui m'a le plus étonné, ce n'est pas que ces dames m'aient pris pour un chien... Tout le monde peut se tromper ! ... Mais qu'elles n'aient pas été autrement surprises d'entendre mon chien parler... ! Alors là... Les gens ne s'étonnent plus de rien. 
Moi, la première fois que j'ai entendu mon chien parler, j'aime mieux vous dire que j'ai été surpris ! C'était un soir... après dîner. J'étais allongé sur le tapis, je somnolais... Je n'étais pas de très bon poil ! Mon chien était assis dans mon fauteuil, il regardait la télévision... Il n'était pas dans son assiette non plus ! Je le sentais !. J'ai un flair terrible... A force de vivre avec mon chien, le chien... je le sens ! Et, subitement, mon chien me dit : 
- On pourrait peut-être de temps en temps changer de chaîne ? 
Moi, je n'ai pas réalisé tout de suite ! Je lui ai dit : 
- C'est la première fois que tu me parles sur ce ton ! 
Il me dit : 
- Oui ! Jusqu'à présent, je n'ai rien dit, mais je n'en pense pas moins ! 
Je lui dis : 
- Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? 
Il me dit : 
- Ta soupe n'est pas bonne ! 
Je lui dis : 
- Ta pâtée non plus ! 
Et, subitement, j'ai réalisé que je parlais à un chien... J'ai dit : 
- Tiens ! Tu n'es qu'une bête, je ne veux pas discuter avec toi ! 
Enfin quoi... Un chien qui parle ! Est-ce que j'aboie, moi ? Quoique... Quoique... 
Dernièrement, mon chien était sorti sans me prévenir... Il était allé aux Puces, et moi j'étais resté pour garder la maison. Soudain... j'entendis sonner. Je ne sais pas ce qui m'a pris, au lieu d'aller ouvrir, je me suis mis à aboyer ! Mais à aboyer ! Le drame, c'est que mon chien, qui avait sonné et qui attendait derrière la porte, a tout entendu ! Alors, depuis, je n'en suis plus le maître ! Avant, quand je lui lançais une pierre, il la rapportait ! Maintenant, non seulement il ne la rapporte plus, mais c'est lui qui la lance ! Et si je ne la rapporte pas dans les délais... qu'est-ce que j'entends ! Je suis devenu sa bête noire, quoi ! 

Ah ! mon chien, c'est quelqu'un ! C'est dommage qu'il ne soit pas là, il vous aurait raconté tout ça mieux que moi ! Parce que cette histoire, lorsque c'est moi qui la raconte, personne n'y croit ! Alors que... lorsque c'est mon chien... les gens sont tout ouïe... 
Les gens croient n'importe qui ! 

LITTERATURE JEUNESSE OFFRANT UN ROLE DE PREMIER PLAN AU CHIEN & AUTRES OUVRAGES DESTINES A UN LARGE PUBLIC, SUSCITANT A PARTIR DE RECITS UNE REFLEXION SUR NOTRE RAPPORT AUX ANIMAUX ET NOTRE COMPORTEMENT

 

BELLE ET SEBASTIEN  (Cécile AUBRY) : " Une bête dangereuse rôde dans la montagne. Toutes personne qui l'apercevra est autorisée à l'abattre. " Que de sottise et de méchanceté n'a-t-il pas fallu pour faire de Belle, la magnifique chienne pyrénéenne, l'ennemie public numéro un ! Peu importe à Sébastien. Né et grandi dans les solitudes neigeuses des sommets, il s'est juré de défendre Belle, de la sauver envers et contre tous. Mais où trouver un allié, quand le village entier se ligue contre le "monstre" ? Heureusement, Sébastien a plus d'amis qu'il ne croit... comme le montre ce récit de ses premières aventures.

 

L'Histoire d'Edgar Sawtelle (David Wroblewski)Dans une ferme isolée au Nord du Wisconsin, le jeune Edgar Sawtelle grandit seul entre son père et sa mère, avec qui il ne peut communiquer que par le langage des signes. Depuis deux générations, les Sawtelle élèvent et dressent une race de chiens d’exception « à qui il ne manque que la parole », dont Almondine, l’amie de toujours d’Edgar, est un merveilleux exemple. À l’arrivée de Claude, l’oncle du garçon, la paix du foyer vole en éclats.

 

Au Bonheur des chiens (Remo Forlani) : Julien a horreur de la campagne et des chiens. Un détestable héritage... et le voici à la campagne, avec cent chiens. Ainsi commence un roman d'humour et d'amour...

 

L'Appel de la forêt (J. London)Oeuvre maîtresse de Jack London, ce roman fait revivre la vie des pionniers dans le Grand Nord, plongeant le lecteur dans l'univers des chercheurs d'or. On ne se lasse pas de relire les aventures du chien Buck, animal courageux au destin hors du commun. Vendu à plus de six millions d'exemplaires aux Etats-Unis, traduit en une vingtaine de langues, "L'Appel de la forêt" n'est pas seulement un classique de la littérature d'aventures, mais l'occasion pour Jack London d'exprimer sa vision du monde. À travers l'histoire de Buck, l'auteur du Talon de fer condamne aussi l'oppression du plus faible et l'injustice au profit de valeurs comme la solidarité, la ténacité et la fraternité.

 

 

Un jour, un chien de Gabrielle Vincent : La longue errance d'un chien que ses maîtres ont abandonné sur la route. Tout est dit, montré, exprimé, sans un trait inutile, sans la moindre fausse note de sensiblerie. Une œuvre qui ne ressemble à aucune autre, par Gabrielle Vincent, la créatrice d'" Ernest et Célesine ".

 

 

Musher de Julien Gravelle : Comment en sommes-nous venus à manger de la viande, et non plus des animaux ? Comment avons-nous cessé de faire société avec les bêtes ? Comment cela a-t-il appauvri notre humanité ? Ce court récit est la méditation d'un jeune musher* sur l'animalité. Taraudé par la question du rapport juste à l'animal – un rapport ni mièvre, ni cruel – Gravelle l'aborde par un angle singulier : en étudiant la société que nous formons, de fait, avec les bêtes. A la lisière du récit et de l'essai, Musher nous fait entrer dans la profondeur de l'hiver boréal et l'intimité de la vie avec les chiens.

 

HISTOIRES DE CHIENS (CLAVEL) : Six récits de chiens sont ici racontés par un fervent admirateur et défenseur des animaux. Tous les sentiments - amour, haine, complicité, abandon - des plus nobles aux plus douloureux, sont exprimés dans ces histoires poignantes. Un livre au souffle puissant où l'héroïsme est toujours du côté de l'animal, fidèle et confiant malgré la lâcheté des humains.

 

JE SUIS LE CHIEN de Katy Couprie  : Lors de sa promenade routinière, un chien recrée au gré de ses rencontres les personnages qui composent son univers. Sous des allures un peu cyniques et vaguement misanthropes, cet album invite à un regard créatif et ludique sur le quotidien. Il nous transmet la jubilation d'un chien, capable de réinventer le monde , de jouer avec des noms propres et des représentations de personnes. Version stimulante et féconde de la propension à décrypter les inconnus, croisés dans la rue

 

LES CHIENS AUSSI (A. BEGAG)

C’est une famille de chiens qui ressemble à s’y méprendre à une famille d’immigrés. Le jour, les mâles font tourner la roue. Le soir, ils rejoignent leurs proches, dorment à la niche et mangent à la gamelle, se font discrets pour ne pas déranger. Malgré cela, ils subissent chaque jour des brimades, des humiliations, certains d’entre eux crèvent dans la poussière sans que personne s’en émeuve. Mais César, un chiot qui n’a pas sa langue dans sa poche, a cette vision d’un jour où les chiens cesseront de faire les chiens, où ils pourront accéder au pays du Bonheur… Il en parle autour de lui, rassemble d’autres chiens décidés à faire valoir leurs droits. Grâce à César, les chiens découvrent que l’union fait la force. Ils s’organisent et obtiennent la reconnaissance de leurs justes revendications, ouvrant ainsi un chemin d’espoir pour tous les chiens opprimés…

 

 

 

 

 

 

 

 

WIKIPEDIA cite deux chiens célèbres de contes :

 

- Guinefort, ou saint Guinefort, est le nom associé à un lévrier qui selon une légende rapportée notamment par le dominicain Étienne de Bourbon vers 1250, possédait le pouvoir posthume de guérir des enfants.

 

Selon cette légende, le chien s'était attaqué à un serpent qui voulait mordre l'enfant de ses maîtres, châtelains de Villars-les-Dombes. Son maître le passe au fil de l'épée en voyant l'enfant ensanglanté gisant à terre, car imputant d'abord à son chien les blessures apparentes du nourrisson.

En voyant le serpent déchiqueté près du berceau et lorsque son enfant sain se réveille, il comprend sa méprise. Par la suite, ayant enterré son valeureux chien, il plante un buisson pour marquer l'emplacement de la dépouille. Les gens du lieu, puis d'autres, attribuent bientôt au lévrier martyr des pouvoirs miraculeux, notamment ceux de guérir des enfants et se rendent au sanctuaire pour le vénérer.

Face à l'ampleur de la dévotion, Étienne de Bourbon fera exhumer les restes du chien pour les brûler ainsi que l'arbuste et en fera état dans son ouvrage De Supersticione. Une loi est votée pour interdire aux habitants de se rendre sur les lieux, sous peine de saisie de l'ensemble de leurs biens.

Pourtant, le culte de ce saint Lévrier persiste pendant plusieurs siècles, jusqu'aux années 1930, et ce malgré les interdictions répétées de l'Église catholique romaine.

 

- Roverandom est un livre écrit par J. R. R. Tolkien en 1927.

L'histoire conte les aventures d'un chiot nommé Rover, qui après avoir mordu un sorcier, se voit transformé en jouet (et renommé en Roverandom). Un petit garçon acquiert le chien-jouet, mais finit par le perdre alors qu'il joue sur la plage. Le jouet est alors envoyé par un sorcier vivre des aventures sur la Lune et dans la mer afin de retrouver son apparence originelle.

Tolkien invente les aventures de Rover durant l'été 1925 pour consoler son fils Michael qui vient de perdre, sur la plage de Filey, son jouet favori, un petit chien en plomb. Il propose le texte à son éditeur, Allen & Unwin, en 1936, qui avait alors accepté avec enthousiasme Le Hobbit ; mais le succès de ce dernier incite Stanley Unwin à en réclamer une suite, et Roverandom ne fut probablement jamais sérieusement envisagé pour la publication, de même que les autres textes proposés par Tolkien à la même époque, Mr. Bliss et Le Fermier Gilles de HamRoverandom est finalement édité en 1998 par Wayne G. Hammond et Christina Scull, avec cinq illustrations de Tolkien.

Au premier abord, Roverandom paraît être un conte pour enfants, néanmoins le texte possède plusieurs degrés de lecture : d'une histoire pour enfants, jusqu'à un texte contenant de la philologie ou de la mythologie, thèmes chers à Tolkien, en passant par de nombreuses allusions voilées à la propre vie de famille de Tolkien et de ses fils pour lesquels le récit était à l'origine destiné ; ou à d'autres contes pour enfants comme ceux d'Edith Nesbit. Le récit aborde de nombreux sujets, depuis des faits précis s'étant déroulés à l'époque de la rédaction de l'histoire, comme l'éclipse lunaire ratée, jusqu'à l'utilisation de la langue et sa phonologie, sujet de prédilection de Tolkien, en passant, bien sûr, par la réutilisation de mythologies diverses : les mythologies grecqueceltenordique, et bien évidemment la propre mythologie de Tolkien. Outre son propre intérêt comme conte pour enfants, c'est un texte important qui entre dans le contexte d'une des œuvres majeures de Tolkien, car sa création intervient presque immédiatement avant celle de Le Hobbit.

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